952 - Le problème de l’incertitude

N. Lygeros

De manière générale, l’incertitude est interprétée comme une donnée négative alors que nous savons au moins dans le domaine de la physique, qu’elle est d’ordre factuel. En économie, elle est aussi exploitée mais dans un sens bien particulier. Partant du principe que la majorité des personnes éprouve une aversion face à l’incertitude et le risque, le spécialiste considère qu’il existe un moyen d’utiliser cette information dans un cadre spécifique. En généralisant cette information, il peut par exemple gérer une assurance puisque même s’il y a incertitude intrinsèque au niveau individuel, celle-ci peut non seulement être contrôlée au niveau de l’ensemble mais devenir prévisible. De la même manière en stratégie le problème de l’incertitude est traité d’une part au sein de la théorie de la friction et d’autre part est contrebalancé par l’action de la théorie des jeux. L’incertitude ne pénètre plus le monde de l’évaluation et son modèle. Elle est explicitement intégrée dans la structure comme une donnée de base. La gestion de l’incertitude se construit essentiellement sur la massification de son concept qui a pour conséquence de le rendre prévisible. Tout le travail de précision consiste à connaître la nature du terme d’erreur.

Un autre cadre où le problème de l’incertitude peut être littéralement éliminé du moins du point de vue théorique, c’est la situation où un groupe organisé voire une unique personne affronte un ensemble dont les éléments ne coopèrent pas. Dans cette situation l’indétermination locale en raison de l’absence de coopération n’est en réalité pas plus complexe que celle où il y a coopération. En réalité, nous pouvons affirmer que cette dernière est a priori beaucoup plus complexe car il existe un grand spectre de possibilités de coopération alors qu’il n’existe essentiellement qu’une seule manière de ne pas coopérer à savoir l’indépendance totale de point de vue. Cette fois nous avons affaire à une structure qui dégénère en un ensemble de type gaussien qui est dans une large mesure prévisible.

Il en est de même en diplomatie lorsque un unique adversaire affronte une équipe non soudée dont les intérêts personnels ne sont pas nécessairement compatibles avec l’intérêt global. L’unique adversaire peut aisément prévoir les mouvements de l’équipe tout en étant essentiellement imprévisible puisqu’il prend ses décisions sur le plan personnel. Cette situation est extrêmement périlleuse non pas pour l’adversaire unique comme le pensent ou le prétendent certains mais au contraire pour l’équipe. En effet celle-ci se représente comme une union alors qu’elle n’est de facto qu’une intersection et c’est cette intersection qui affronte l’adversaire. Or si l’union est certainement plus puissante que lui rien n’est moins sûr pour l’intersection et cette fois le problème de l’incertitude apparaît dans sa toute puissance. La prise de risque pour l’affronter doit être répartie sur l’ensemble de l’équipe afin d’affaiblir le coût de la décision si celle-ci ne peut être prise par un constituant de l’équipe. Cette technique a le mérite d’être stable et de représenter un front uni face à l’adversaire qui ne peut répartir le risque de sa décision.