886 - Sur la perturbation triangulaire

N. Lygeros

Au cours de l’enseignement que nous avons effectué auprès des enfants âgés de quatre à cinq ans, intitulé “Développement et Découverte”, nous avons été amené à étudier le tracé graphique d’objets géométriques élémentaires. Dans ce cadre nous avons pu examiner de nombreuses difficultés tant opératoires que mentales.
Le tracé du cercle peut être considéré comme l’un des plus élémentaires par des enfants de cet âge. Néanmoins nous avons constaté que même ce tracé pouvait engendrer des difficultés et ce, par des enfants dépourvus de problèmes manuels. Malgré tout la tenue du crayon et la finesse du geste est fondamental. Ainsi la liberté d’expression telle qu’elle est conçue dans les petites classes ne peut être adaptée à ce problème puisqu’il n’y a pas de feedback cognitif.
Le tracé du carré semble somme toute poser moins de problèmes qu’il semble auprès des enseignants de cette classe. Il est vrai que l’enfant doit maîtriser l’angle droit pour mener à bien cette tâche mais cela ne semble pas poser un problème important sauf dans les cas d’un handicap mental notable. Le fait que les parallèles engendrent une structure qui peut être interprétée comme le résultat d’une procédure de mimétisme facilite grandement les tracés. L’enfant trace donc deux droites à angle droit et complète l’objet tout en répétant les segments déjà effectués et en regardant le modèle proposé. Quant à la complétion de la structure elle est effectuée de manière naturelle puisqu’elle représente une donnée plus élémentaire.
Paradoxalement la forme la plus complexe pour des enfants de cet âge, c’est le triangle et ce, même s’ il est équilatéral. Les essais que nous avons effectués montrent de multiples difficultés. L’angle des premiers traits n’est en rien naturel, il ne comporte pas de point de repère. De plus, la complétion ne peut être faite qu’avec l’utilisation de la symétrie qui n’est pas encore évidente pour le tracé dynamique puisqu’il y a l’effet miroir. Mais le plus fondamental c’est que le triangle en tant que structure perturbe le tracé du simple trait comme si le fait de mentionner l’existence d’une donnée complexe mette en place un dogme de difficulté que l’enfant ne peut surmonter.
C’est ce schéma mental que nous nommons perturbation triangulaire.