839 - Les enfants déficients ou le conflit de la pitié et de l’amour

N. Lygeros

Il n’est a priori pas évident d’opposer les notions d’amour et de pitié. Pourtant le cas des enfants qui ont un déficit en termes de quotient intellectuel est révélateur. Autant il est difficile de ne pas les prendre en pitié autant il est difficile de les aimer. Dans la pitié, il y a une forme d’acceptation de la réalité sans désir nécessaire de la modifier. Même l’acte charitable est pour ainsi dire une manière indirecte de confirmer la réalité de la situation. Tandis que dans l’amour du prochain, il n’y a pas que la volonté d’aider, il y a aussi le sentiment de la nécessité d’entreprendre une action qui a pour vocation de modifier le sort du prochain.

Dans le cadre de nos nombreux contacts au sujet des enfants qui ont un déficit, nous avons été amené à rencontrer de nombreuses personnes qui se considèrent comme responsables et spécialistes. Certains l’étaient vraiment, mais ils étaient rares. Cependant ceux qui aimaient ces enfants étaient encore plus rares. Ce n’était pas qu’ils n’avaient pas de compassion, bien au contraire le problème venait de là. Cette pitié finissait par engendrer un sentiment qu’il faut bien avouer être discriminatoire. L’idée générale est que ces enfants n’auront jamais un comportement normal aussi le but de l’apprentissage était plutôt la réalisation d’un pis aller. Il n’existe pour ainsi dire aucune ambition de transformer les données de bases. L’enfant est condamné à perpétuité dès le début ainsi on s’efforce de lui faire purger sa peine sans pour autant penser qu’il puisse être libéré un jour. Cette mentalité engendre naturellement le sentiment de pitié et ce dernier gêne l’apparition de l’amour véritable car le constat est là, inaliénable et permanent.

Nous pensons que la première donnée de l’apprentissage dans ce contexte difficile et particulièrement dans celui des enfants qui ont un déficit en termes de quotient intellectuel, c’est que tout est possible. Mais avant d’inculquer cette donnée à l’enfant, il faudrait qu’elle le soit par l’enseignant lui-même. Sans l’activation de l’effet Pygmalion, il est non seulement impossible mais surtout impensable d’aboutir à un résultat probant, à un résultat qui mérite d’être atteint.