41 - Relation d’incertitudes de Jean Perdijon

N. Lygeros

Entretien sur le réel, l’idéal, le possible

Jean Perdijon – PUG 2461

C’est un livre très plaisant à lire même s’il y a quelque chose de désagréable dans ce dialogue imaginaire : l’auteur qui joue le rôle de Max Born ne croit manifestement pas plus qu’Einstein (l’interlocuteur) à la conception philosophique de son personnage. Mais après tout lorsque Platon écrivait ses dialogues il était intimement persuadé que c’était Socrate qui détenait la vérité – plus exactement que c’était le meilleur guide à suivre si l’on voulait atteindre la vérité.

Le fait qu’Einstein arrive par le train annonce dés le début de l’ouvrage le ton qu’empruntera le récit. Celui-ci est donc plein d’humour et bourré d’allusions pas toutes explicites ce qui nécessite quant au lecteur une certaine culture (sur la vie des deux hommes et sur l’histoire de la physique en général !).

Car l’auteur a réussi à construire un édifice essentiellement à partir de citations. Tel un superbe château de cartes dont l’apparente fragilité repose sur une grande habileté d’écriture de la part de l’auteur.

Bien évidemment ce genre de livre représente ce que l’on peut faire de mieux en matière d’érudition conviviale c’est-à-dire non truffée d’éléments historiques non essentiels à la compréhension du texte. De même le formalisme mathématique n’est présent que ponctuellement, seulement lorsqu’il est nécessaire. Donc une seule direction est visée : la pensée. Avec malheureusement une petite teinte philosophique, mais comment faire autrement.

Du point de vue strictement scientifique c’est le passage intitulé : l’échappatoire qui est de loin le plus remarquable. En effet c’est là qu’ « Einstein » défend la thèse que la mécanique quantique doit nécessairement être comprise à partir de la relativité comme il le montre pour le photon, et l’esquisse pour l’électron.

Par contre à propos de rigueur mathématique nous nous devons de signaler une erreur concernant les inégalités d’Heisenberg.

En effet l’auteur se trompe deux fois : p.75 où il donne

ΔpΔq≥h/2

h/2π

ΔpΔq≥h/4π ou ΔpΔq≥ℏ/2 (ou ℏ=h/2π)

(Pour une démonstration voir par exemple le début de l’article de N. Lygeros : Sur la notion d’espace temps fractal. Singularité Vol. 2 n° 6 p. 7-12)

Cependant il ne faudrait pas réduire la contribution de ce livre à deux dimensions science et mathématique seulement : car la profondeur de sa réflexion va bien au-delà à l’instar du livre d’Einstein lui-même : Comment je vois le monde. En effet dans la discussion des deux amis l’aspect social de la vie des hommes et plus généralement l’avenir de l’humanité sont maintes fois abordés. Ce qui montre une fois de plus que les grands de ce monde, ici les scientifiques, ne peuvent être considérés comme tels que s’ils se préoccupent du rôle qu’ils ont à jouer dans l’humanité.

Ainsi malgré ces quelques petites imperfections nous vous conseillons de prendre connaissance de ce petit livre qui a le grand mérite de poser des questions fondamentales, d’en discuter pour les éclairer et tenter de les comprendre avant d’essayer de les résoudre ; approche qui est malheureusement de plus en plus rare parmi les scientifiques.