3735 - Percolation temporelle

N. Lygeros

– Le temps presse…

– Mais il est avec nous.

– Combien de temps encore?

– Cette question n’a pas de sens.

– Pourquoi donc?

– Car nous lui appartenons.

– Alors cette guerre, c’est aussi la sienne…

– C’est le cas.

– Il n’y a donc rien à ajouter?

– Seulement notre œuvre.

– Et quelle sera-t-elle?

– La libération des territoires occupés.

– Au prix de quoi?

– De notre vie bien sûr.

– Rien d’autre?

– Non, celles-ci suffiront.

– Alors nous sommes prêts.

– Il faudra travailler incognito.

– Ne crains rien, nous connaissons la puissance de l’inconnu.

– Ce sera le seul moyen de parer la trahison.

– Devrons-nous lutter contre elle aussi?

– Tout l’indique.

– Que proposes-tu alors?

– Le principe de percolation?

– Percolation?

Le comte expliqua succinctement ce qu’il entendait par principe de percolation temporelle. Il ne s’agissait pas d’une simple infiltration. Ils devaient rechercher la criticité de la situation afin de mettre en exergue les faiblesses infrastructurelles de l’ennemi anglais. Le temps avait passé et les frictions n’avaient cessé d’augmenter. Seulement personne n’avait osé les exploiter dans un but rationnel. Les souverains de pacotille s’étaient contentés de l’absence d’envergure. Aucune grandeur ne pouvait être présente dans leurs actions. Ils n’étaient nobles que par leur passé mais ils n’avaient aucun avenir. Aussi tels des vilains, ils ne recherchaient que l’opportunisme du présent. C’était leur présence sur le territoire que craignait le comte pour ses amis. Car des siècles de perfidie avaient laissé des traces et il serait extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de lutter contre celles-ci sans se blesser. Les blessures de guerre n’étaient pas mortelles. Tandis que celles de la trahison étaient toujours funestes. Le comte avait perdu des amis par le passé en raison de leur innocence. Depuis il utilisait à son compte leurs expériences fatidiques. Car il était responsable de la vie de ses hommes. L’arbre devait étendre ses racines pour soulever le ciel bleu au dessus de cette terre gorgée de sang. Il ne cessait de penser au chêne de ses terres. Il savait combien il était seul dans ce désert rempli de lâcheté. Mais il ne craignait rien pour lui. Il avait supporté tant de misères sans avoir flanché et sans avoir perdu sa dignité que le comte pensait à lui chaque fois qu’il devait mener un nouveau combat afin d’y puiser sa force.