3166 - Les gisants et les codex

N. Lygeros

Le guide dirigea l’ensemble du groupe dans la crypte. Il attendit que tout le monde fût à ses côtés pour commencer la visite.

    – Nous nous trouvons à présent dans l’unique partie conservée de l’ancienne citadelle. Comme vous pouvez le constater, c’est ici que se trouvent les tombeaux des anciens. Cela n’est pas surprenant en soi car c’était dans les habitudes de l’époque. Cependant ici, et je pèse mes mots, nous avons une configuration exceptionnelle. Remarquez la qualité de la facture. Les cinq gisants semblent n’être qu’endormis. Le réalisme, surtout si nous nous plaçons dans le contexte de l’époque, est poussé à son extrême.

Il indiqua au groupe de visiteurs les cinq gisants en leur recommandant de ne rien toucher.

    – Nous ne savons quasiment rien sur eux, si ce n’est qu’ils étaient les disciples du même maître.

À cet instant, il montra du doigt un signe sur la main gauche de chacun des gisants.

    – C’est le signe du chevalier sans armure.

Il attendit un moment. Il savait que son public retenait son souffle. Mais il changea volontairement le passage du récit.

    – Ce qui est remarquable chez ces gisants, c’est qu’aucun d’entre eux ne dispose de son épée. Ils n’ont pour seule arme qu’un codex.

Le groupe s’avança naturellement dans la direction des gisants afin de constater cette singularité.

    – Ces codex dont nous ne connaissons que le titre, étaient considérés comme des livres sacrés à l’époque. La légende dit qu’ils auraient été sauvés des barbares par l’intermédiaire des cinq gisants qui sont devant vous. Cependant depuis cette époque nous ne savons rien de plus sur leur contenu.

Un enfant s’approcha de l’un des gisants et toucha le codex.

    – Non, s’écria le guide, il ne faut pas.

L’enfant retira sa main le plus vite possible. Néanmoins le contact avait été effectué. Le passé avait touché l’avenir. Celui qui n’était pas encore né avait touché la mort. C’était en tout cas la pensée qui avait traversé l’esprit du guide. Les parents de l’enfant éloignèrent le petit du gisant et le guide poursuivit son récit.

    – Le chevalier sans armure…

Tout le groupe sursauta lorsqu’on entendit un terrible fracas juste au-dessus de la crypte. Le guide n’eut pas le temps de les retenir. Le groupe gravît l’escalier de la crypte en oubliant de remercier le guide de la visite. Il était à nouveau seul avec les gisants, comme le maître pensa t-il, et il ferma les yeux.