2703 - Le problème de l’horizon chez Leonardo da Vinci

N. Lygeros

Leonardo da Vinci ne se contente pas de considérer la terre comme une sphère parfaite pour résoudre le problème de l’horizon avec l’aide de la tangente, il étudie ses caractéristiques dans un cadre réel et donc plus complexe.

«Les horizons sont à des distances variables de l’œil – puisqu’on appelle «horizons» l’endroit où l’air lumineux voisine avec la terre. Et il y en a autant pour une verticale donnée, qu’il y a de hauteurs différentes pour le point de vue […]» .

Le ton est tout de suite donné par cette simple phrase. Leonardo da Vinci connaît parfaitement le problème de l’horizon et il compte l’analyser en détail.

«[…] car l’œil posé au niveau de la surface de la mer calme voit cet horizon à une distance d’un demi-mille environ; et si on lève et porte l’œil à sa hauteur habituelle, l’horizon sera éloigné de lui à sept milles;»

Grâce à l’utilisation de la tangente nous pouvons mesurer avec précision les connaissances de Leonardo da Vinci au sujet de la courbure de la terre.

«et ainsi à chaque niveau d’élévation correspond un horizon toujours plus lointain; et de là vient que ceux qui se trouvent sur les cimes des hautes montagnes, près de la mer voient le cercle de l’horizon très éloigné; mais ceux qui se trouvent au milieu des terres n’ont pas l’horizon toujours à la même distance parce que la terre n’a pas partout la même hauteur par rapport au centre du monde, et elle n’est donc pas parfaitement sphérique comme la surface des eaux; et c’est ce qui fait varier la distance entre l’œil et l’horizon…»

Le problème de l’horizon chez Leonardo da Vinci n’est pas simplement ramené à la sphéricité. Il tient compte du relief terrestre et applique la règle de la hauteur. Mais l’expérience de pensée qui suit est encore plus intéressante et plus révélatrice de sa capacité à approfondir les éléments de la nature.

«L’horizon apparaît très distant quand de la côte marine de l’Egypte on regarde en amont du Nil vers l’Ethiopie sur les plaines des deux côtés : l’horizon sera estompé ou même invisible parce qu’il y a 3000 milles de plaine montant toujours avec le niveau du fleuve.»

Dans cette expérience de pensée le dénivelé de la pente qui suit le fleuve permet de compenser localement la courbure de la croûte terrestre. Cette compensation a pour effet d’éloigner l’horizon. Seulement avec cet éloignement qui ne correspond qu’à une perspective linéaire, nous voyons apparaître les effets de la perspective d’effacement. Ainsi même si l’horizon existe au sens géométrique du terme, il est hors de portée de l’œil et donc invisible à ce dernier.

«Et s’interpose, entre l’œil et l’horizon éthiopien, une telle épaisseur d’air que tous les objets y paraissent blancs et ainsi cet horizon ne peut plus être distingué. Des horizons de ce genre font très bel effet en peinture» .

Ainsi nous retrouvons la préoccupation de la représentation du monde à travers la vérité des sciences naturelles et la beauté de la peinture. Via le problème de l’horizon, Leonardo da Vinci s’enfonce dans la connaissance.