231 - Un Deux-pièces

N. Lygeros

L’auteur est assis à son bureau, silencieux. Il écrit sur un grand cahier bleu une pièce de théâtre. Deux personnages immobiles se trouvent juste devant son bureau, assis, silencieux. Ils semblent dormir d’un sommeil paradoxal. Dans le silence de la pièce résonne alors une sonnerie. L’auteur continue cependant à écrire sans tenir compte de la présence d’une personne qui n’ose le déranger. Il finit par lui dire…

Auteur : Assieds-toi, je t’en prie. J’en ai juste pour une seconde…

Lecteur : Je peux venir plus tard si tu le désires.

Auteur : Non, non, tu ne me déranges pas. Tout en continuant à écrire. Ce sont juste des notes.

Lecteur : Ta nouvelle pièce de théâtre ?

Auteur : Oui… Les personnages ont un soubresaut. enfin je ne sais pas encore… Les personnages reprennent leur position initiale.

Lecteur : Est-ce une question de temps ?

Auteur : Ce n’est qu’un projet.

Lecteur : As-tu choisi le fil conducteur de l’histoire ?

Auteur : J’ai la structure en tête.

Lecteur : Alors pourquoi ne pas donner vie à tes personnages ?

Auteur : C’est juste une question de temps !

Lecteur : Faisant semblant de comprendre. Je vois… Et les personnages sont au nombre de …

Auteur : Deux ! Les personnages se montrent de la main sans se regarder. Enfin pas tout à fait car j’ai aussi une autre idée en tête.

Lecteur : Ont-ils déjà des prénoms ?

Auteur : Il s’agit de Lui Lui se lève. et de L’autre. L’autre se lève à son tour.

Lecteur : Mais qui sont-ils ?

Auteur : Eh bien, Lui et L’autre. Les personnages se posent chacun une main sur leur poitrine. Lui, c’est lui ! Et l’autre, c’est L’autre !

Lecteur : Même jeu. Je vois.

Auteur : Cela peut sembler quelque peu abstrait au départ mais le lecteur finira bien par comprendre.

Lecteur : Je crois que j’ai compris…

Auteur : Tu vois !

Lecteur : Et la pièce se déroule…

Auteur : Ici, dans cette pièce !

Lecteur : C’est logique…

Le lecteur s’approche de l’auteur et lit par dessus son épaule. Lui et l’autre se regardent avec curiosité. Ils se dévisagent véritablement…

Lui : Mais qui es-tu ?

L’autre : L’autre. Un temps. Et toi ?

Lui : Lui.

L’autre : Et eux deux ?

Lui : L’Auteur et le lecteur.

L’autre : Tu les connais depuis longtemps ?

Lui : Depuis toujours… Enfin, depuis qu’il pense…

L’autre : Qui ?

Lui : En désignant l’auteur. Lui !

L’autre : Mais je croyais que Lui c’était toi…

Lui : Non ! Lui c’est l’auteur et moi, je suis Lui.

L’autre : Mais alors l’autre ?

Lui : C’est toi !

L’autre : En désignant le lecteur. Mais non, lui !

Lui : En montrant le lecteur penché sur le texte. Lui, c’est le lecteur.

L’autre : Tu crois qu’il lit la pièce ?

Lui : En allant lire par dessus le lecteur toujours penché sur le texte. Oui, c’est le premier dialogue.

L’autre : De qui ?

Lui : De nous !

L’autre : De nous ! Un temps. Alors nous sommes déjà entrés dans l’histoire !

Lecteur : Et que fait-il après ?

Auteur : Lequel ?

Lecteur : Eh bien, Lui ?

Auteur : En écrivant. Il continue à regarder par dessus ton épaule.

Lecteur : Pour quelle raison ?

Auteur : Pour la même que toi : la curiosité !

Lecteur : Curieux personnage…

Auteur : Non, c’est un personnage curieux !

Lecteur : Et l’autre ?

Auteur : Il contemple la scène… Lui par dessus le lecteur, le lecteur par dessus l’auteur et l’auteur sur le texte…

Lecteur : Une véritable pièce montée !

Auteur : Montée de toute pièce…

Lui : C’est une pièce à conviction.

L’autre : Il nous en faudrait une, d’identité !

Lui : Ce serait faire pièce à la logique.

L’autre : Quelle logique ?

Lui : Celle de la pièce !

L’autre : Mais si cette logique consiste à nous jouer une pièce ?

Lui : Dans ce cas, ce serait un coup de théâtre…

L’autre : Je dirais plutôt une fausse pièce.

Lui : En fouillant ses poches. Je n’en sais rien, je n’en ai pas sur moi.

L’autre : C’est normal ! Nous ne jouons pas dans la même pièce.

Lui : Ainsi la nôtre n’est pas l’autre…

L’autre : Bien sûr que non ! Puisque l’autre c’est moi !

Lui s’approche de l’autre et ils regardent tous les deux l’auteur et le lecteur.

Lecteur : Selon moi, les prénoms de tes personnages sont source de confusion pour le spectateur.

Auteur : C’est bien mon but !

Lecteur : Je ne comprends pas ton idée…

Auteur : C’est bien simple pourtant. La confusion engendrée par les prénoms doit l’inciter à s’interroger sur le statut de ces personnages. Sont-ils vraiment lui, l’autre ou encore quelqu’un d’autre ?

Lecteur : Qui pourrait découvrir leur véritable identité…

Auteur : En souriant. Qui ? Je ne sais pas mais Lui et l’autre sans doute. Il montre dans la direction du public.

Lecteur : Ils seraient donc partout !

Auteur : Qui ?

Lecteur : Non pas lui mais Lui et l’autre !

Auteur : C’est exact. Ils sont parmi nous à présent.

L’autre : Selon toi, pourquoi l’auteur et le lecteur n’ont pas conscience de notre présence ?

Lui : Cela n’a pas été prévu…

L’autre : Prévu par qui ?

Lui : Par l’auteur ! Ils n’ont pas conscience de notre existence !

L’autre : Que vaut une existence sans présence ?

Lui : Après réflexion. L’absence !

L’autre : Ainsi nous existons par notre absence ?

Lui : C’est toujours mieux que rien.

L’autre : Etre mieux que rien, c’est être moins que rien.

Lui : En voyant l’autre triste. Oui mais nous sommes deux… Il le tient dans ses bras.

L’autre : Pourquoi sommes-nous toujours d’eux ? Il montre l’auteur et le lecteur.

Lui : Car nous sommes des personnages… Un temps. Et puis il vaut mieux être deux que seul.

L’autre : Je ne sais pas. Je n’ai jamais été seul…

Lui : Nous vivons notre solitude à deux. En regardant l’autre. Ne sois pas triste !

L’autre : Tu voudrais que je sois comment ?

Lui : Je voudrais que nous soyons amis.

L’autre : Ce n’est pas évident…

Lui : Mais pourquoi ?

L’autre : Va voir le texte et tu comprendras…

Lui va lire le texte.

Lui : On a toujours peur de l’autre.

L’autre : Tu vois bien !

Lui : Mais je ne le pense pas.

L’autre : Tu l’as bien dit pourtant.

Lui : C’est parce que je lisais le texte.

L’autre : Cela fait partie de ton rôle.

Lui : Sans doute… Un temps. Je m’élève en faux contre cela !

L’autre : Tu n’as pas le droit !

Lui : Alors je le demanderai à l’auteur.

L’autre : Tu ne peux pas toucher les droits d’auteur… Tu es un personnage !

Lui s’approche de l’auteur qui écrit et lui dicte lentement.

Lui : Je suis ton ami !

L’autre : Un sacré personnage !

Ils s’embrassent.

Auteur : Parfois, j’ai l’impression que les personnages d’une oeuvre existent indépendamment de l’auteur.

Lecteur : Tu veux dire comme dans les oeuvres historiques ?

Auteur : Pas seulement ! Silence. Prends l’exemple de ma pièce…

Lecteur : Oui, eh bien quoi ?

Auteur : Tout à l’heure, j’ai réellement eu l’impresion que l’un de mes personnages me dictait le texte…

Lecteur : C’est étrange !

Auteur : C’est aussi mon avis.

Lecteur : Etait-ce une phrase en particulier ?

Auteur : Je suis ton ami !

Lecteur : Quel est le rapport ?

Auteur : C’est la phrase.

Lecteur : Laquelle ?

Auteur : Celle que tu demandais…

Lecteur : Je n’avais pas vu qu’il disait cette phrase.

Auteur : Non, pas celle-ci, l’autre.

Lecteur : Laquelle alors ?

Auteur : La phrase qui dit : je suis ton ami.

Lecteur : Serait-il empreint d’altruisme ?

Auteur : Cela me semble son caractère dominant.

Lecteur : Et ce n’est pas ce que tu désirais ?

Auteur : Si !

Lecteur : Alors je ne vois pas où est le problème. Son trait de caractère provient de ton choix initial…

Auteur : C’est vrai mais je n’avais pas décidé de son action…

Lecteur : Tu m’as bien dit que tu avais la structure de la pièce en tête ?

Auteur : Oui, c’est vrai… mais la structure seulement, pas les détails !

Lecteur : C’est classique.

Auteur : Cependant, j’ai eu l’impression que le personnage a lu dans ma pensée…

Lecteur : Tout à l’heure, tu disais qu’il te dictait, à présent, qu’il lit, il faudrait savoir.

Auteur : Il lit dans ma pensée et il me dicte le texte.

Lecteur : N’est-ce pas la preuve que la pensée précède le langage ?

L’auteur se met à écrire.

Lui : Quel est notre rôle dans cette pièce ?

L’autre : Je ne sais pas.

Lui : Moi non plus. Un temps. C’est peut-être une chance alors ?

L’autre : Tu veux dire que c’est une pièce tirée au hasard ?

Lui : Un pile ou face mental !

L’autre : Et dire que nous n’avons même pas une pièce !

Lui : Nous avons tout de même la nôtre…

L’autre : De quel côté va-t-elle tomber ?

Lui : Cela n’a pas d’importance. L’essentiel, c’est qu’elle soit bonne.

L’autre : Tu as sans doute raison.

Lui : Notre pièce, c’est notre vie.

L’autre : Sera-t-elle aussi celle de notre mort ?

Lui : Tout dépend de lui…

L’autre : De toi ?

Lui : Non, de l’autre… Voyant L’autre surpris. Enfin de l’autre. Il montre l’auteur.

L’autre : Que sais-tu de lui ?

Lui : Il est altruiste…

L’autre : Cela veut dire qu’il est gentil ?

Lui : Oui, d’une certaine manière…

L’autre : Et d’une autre ?

Lui : Il est différent.

L’autre : De qui ?

Lui : Des autres…

L’autre s’approche de l’auteur et le regarde fixement.

L’autre : Il n’a pas l’air ainsi…

Lui : C’est normal !

L’autre : Mais pourquoi ? Puisque tu dis qu’il est différent..

Lui : C’est dans un autre texte que j’ai trouvé l’explication.

Il va chercher un livre sur le bureau.

”L’essentiel est invisible pour les yeux.”

Lecteur : Tu veux leur faire connaître l’astéroïde B 612 ?

Auteur : Pas seulement ?

Lecteur : Je ne vois pas…

Auteur : C’est pourtant élémentaire, mon ami.

Lecteur : Quoi donc ?

Auteur : L’élémentaire !

Lecteur : De mieux en mieux !

Auteur : Bon, je m’explique…

Lecteur : Ce n’est pas trop tôt.

Auteur : Voici l’idée : un texte élémentaire ne dit pas forcément des idées élémentaires.

Lecteur : C’est effectivement élémentaire.

Auteur : Seulement si l’on s’intéresse aux idées non élémentaires d’un texte élémentaire comment les expliciter ?

Lecteur : Je ne vois qu’une seule possibilité : écrire un texte élémentaire.

Auteur : C’est exact ! Un temps. Cependant la compréhension globale de celui-ci implique la compréhension de sa relation avec le texte qui n’est pas forcément élémentaire.

Lecteur : C’est vrai que c’est rarement le cas.

Auteur : C’est pour cette raison que j’utilise cette méthode.

Lecteur : A savoir ?

Auteur : Les références auto-référentes.

L’autre : Tu crois qu’il a compris ?

Lui : Pour le lecteur, je n’en suis pas sûr… Silence. Quant au spectateur ?

L’autre : Tu crois qu’il nous voit ?

Lui : C’est ce qui est prévu normalement…

L’autre : Alors ce doit être plus simple pour lui.

Lui : Nous devrions lui demander.

Lui et l’autre s’approchent du bord de scène, à la limite du public.

L’autre : Il fait semblant de ne pas nous voir…

Lui : Peut-être qu’il ne nous voit pas.

L’autre : Peut-être qu’il pense que nous ne nous adressons pas à lui…

Lui : Les personnages s’adressent toujours au spectacteur.

L’autre : Je crois que j’ai trouvé.

Lui : Eh bien ?

L’autre : Il ne peut pas nous répondre.

Lui : Pourquoi donc ?

L’autre : Car s’il répondait il ne serait plus simplement spectateur mais acteur.

Lui : C’est intéressant comme idée !

L’autre : En fait nous ne pouvons même pas le voir sinon ce serait un figurant.

Lui : En montrant le public. Ce sont donc des figurants.

L’autre : C’est une très grande pièce pour avoir autant de figurants…

Lui : Ce n’est pas la quantité mais la qualité qui compte.

L’autre : En regardant le public. Me voilà rassuré. Car ils ne sont pas très nombreux pour jouer le rôle du public !

Lui : Tu sais, c’est juste un deux-pièces, aussi l’auteur n’avait pas beaucoup le choix.

L’autre : Je n’en suis pas certain.

Lui : Id est ?

L’autre : As-tu remarqué l’absence de portes ?

Lui : En regardant la scène. Oui et alors ?

L’autre : Tu as déjà vu un deux-pièces sans portes ?

Lui : Je vois… C’est un deux-pièces avec vue sur le monde.

Lecteur : Il est vrai qu’à présent c’est plus clair !

Auteur : Tu vois, peu à peu, notre vision s’habitue à la nouveauté.

Lecteur : Ainsi l’essentiel de ta pièce est invisible pour les yeux.

Auteur : Précisément.

Lecteur : Si je comprends bien, je dois m’efforcer de discerner l’essentiel dans l’invisible…

L’autre : Tu as entendu ça ? Le lecteur parle de nous !

Lui : A présent nous savons ce que nous représentons pour l’auteur.

L’autre : Aussi nous avons un rôle à tenir.

Lui : Un rôle essentiel !

L’autre : Un rôle inconnu !

Très contents, ils se mettent de part et d’autre de l’auteur.

Lui : Cette fois, nous avons cerné le problème : c’est l’auteur !

L’autre : En regardant l’auteur. C’est tout de même dommage qu’il ne nous voie pas…

Lui : C’est difficile de voir ses propres pensées.

L’autre : Il pourrait au moins nous imaginer.

L’auteur s’arrête d’écrire. Long Silence. L’auteur se remet à écrire.

Lui : C’est difficile de penser l’imagination.

L’autre : Ainsi nous n’appartenons pas à son imaginaire mais à sa pensée.

Lui : Mais alors !

L’autre : Mais alors quoi ?

Lui : Les deux pièces, c’est peut-être son cerveau.

L’autre : C’est vrai qu’il n’a pas de portes. Silence. C’est peut-être pour cela que nous vivons notre solitude à deux.

Lui : Séparés, elle n’aurait pas de sens.

L’autre : Entre les lignes, il doit lire sa pensée.

Lui : Nous !

Lecteur : L’essentiel c’est le nous !

Auteur : C’est ce que je m’efforce d’exprimer à travers ma pièce.

Lecteur : Mais cela n’a rien de drôle ! Alors pourquoi la considères-tu comme une comédie ?

Auteur : Très sérieux. Aucun élément de ma pièce n’est drôle ! La comédie provient de la compréhension, non de l’humour.

Lecteur : Comment ?

Auteur : Aristote a dit que le rire était le propre de l’homme…

Lecteur : Mais encore ?

L’autre : Ce n’est pas drôle !

Lui : C’est une drôle de comédie, pas une comédie drôle !

L’autre : Au moins maintenant c’est dit ! Il regarde le public. Il faudrait le dire aux figurants.

Ils regardent le public.

Lui et L’autre : Ce n’est pas drôle !

L’autre : As-tu remarqué qu’ils ont souri ?

Lui : Tu crois qu’ils se moquent de nous ?

L’autre : C’est peut-être leur rôle…

Lecteur : Je me demande ce que les spectateurs penseront de cette pièce.

Auteur : J’espère qu’ils n’en riront pas !

Lecteur : Cela provoquerait un paradoxe.

Auteur : Une comédie pour penser dont on pense qu’il faut en rire…

L’autre : Cette fois, c’est grave. Que pouvons-nous faire ?

Lui : Penser !

L’autre : Tu n’es pas drôle !

Lui : Bon alors rions !

L’autre : C’est idiot !

Lui : Il faudrait trouver autre chose… Que penses-tu de : rire n’est pas drôle ?

L’autre : Autant rire de : penser c’est idiot !

Lecteur : Koan n’est pas un koan.

Auteur : C’est l’idée.

Lecteur : En créant la condition entre syntaxe et sémantique, tu mets en évidence la sémiotique.

L’autre : Que dit-il ?

Lui : Ce que nous disons.

L’autre : Alors pourquoi le redire ?

Lui : Pour être sûr de le comprendre.

L’autre : Ce qui est dit est dit.

Lui : Et alors ?

L’autre : Et alors rien…

Lui : Tout de même !

L’autre : J’ai simplement dit que ce qui est dit est dit.

Lui : Je sais, mais pourquoi le dire ?

L’autre : Pour te dire que je peux le dire sans comprendre ce qui est dit.

Lui : Est-ce de l’humour ?

L’autre : C’était juste histoire de dire.

Lui : Sauf que tu n’as rien dit !

L’autre : C’est vite dit !

Lui : Je ne te le fais pas dire !

Lui et l’autre s’assoient dos à dos, à même le sol.

Lecteur : Ils semblent fatigués…

Auteur : C’est juste un moment de tristesse. Rien de grave…

Lecteur : Ne serait-ce pas de la mélancolie ?

Auteur : C’est un jour anniversaire.

Lecteur : Quel anniversaire ?

Auteur : Le jour des quarante-trois couchers de soleil !

Lecteur : Pensif. J’aurais voulu y être moi aussi…

Auteur : Non, non, c’est bien mieux ainsi…

Puis il se remet à écrire.

Lui : Je me sens seul…

L’autre : Mais je suis là !

Lui : Je nous sens seuls…

L’autre : Notre solitude a l’odeur du soleil.

Lui : En regardant en haut. Il doit se sentir bien seul lui aussi.

L’autre : Et pourtant sa solitude suffit à nous réchauffer le coeur.

Lui : Il brûle pour nous éclairer…

L’autre : Pourquoi es-tu si mélancolique ?

Lui : C’est parce que je pense à nous…

L’autre : C’est donc si triste ?

Lui : Nous débattons, nous nous débattons mais au fond nous sommes prisonniers…

L’autre : Pourquoi dis-tu cela ?

Lui : Car la pensée est prisonnière de la vie !

Lecteur : C’est trop dur ! Tu ne peux pas écrire cela !

Auteur : Je l’ai fait pourtant !

Lecteur : Pas même le penser !

Auteur : Pourquoi la pensée n’aurait-elle pas droit à la liberté ?

Lecteur : Mais la libre pensée existe.

Auteur : Alors pourquoi est-elle condamnée ?

Lecteur : Condamnée à quoi ?

Auteur : A subir la vie !

Lecteur : Car une pensée sans vie serait suicidaire !

Auteur : Et une vie sans pensée, impensable !

Lecteur : Outré. Cette fois, tu exagères ! Il s’avance vers le public. Eux, par exemple… Il se reprend. Non, tu as raison ce n’est pas un bon exemple…

L’autre : Est-ce qu’une pensée pense ?

Lui : Je ne le pense pas.

L’autre : Si tu le pensais, elle le pourrait puisque tu es une pensée…

Lui : Il faudrait que j’y pense…

L’autre : Eh bien, penses-y !

Lui : En position de penseur. C’est tout de même difficile.

Il perd l’équilibre.

L’autre : C’est bien ce que je pensais.

Lui : Alors c’est possible !

L’autre : Je n’y avais pas pensé…

Lui : Ainsi nous pensons !

L’autre : Bien pensé !

Lecteur : En agissant ainsi tu donnes corps à ta pensée.

Auteur : Mais ce n’est pas suffisant. Je voudrais être pensée et non penser l’être.

Lecteur : Ainsi tu souffres d’être.

Auteur : C’est pour cela que je pense.

Lecteur : Et tu voudrais le contraire !

Auteur : En acquiescant. Je pense donc je souffre et donc je suis.

Lecteur : Lui et l’autre pensent…

Auteur : Oui.

Lecteur : Lui et l’autre souffrent…

Auteur : Oui, c’est vrai.

Lecteur : Lui et l’autre vivent…

Auteur : Je le pense.

Lecteur : Ils brûlent pour nous éclairer.

L’autre : Tu aimes les bougies ?

Lui : Oui, bien sûr… Un temps. Pourquoi me poses-tu cette question ?

L’autre : Je ne sais pas. C’est juste une idée comme ça.

Lui : Cela doit venir de l’auteur. Il doit vouloir que nous réfléchissions sur cette idée.

L’autre : Sur sa nature ou son sens ?

Lui : Sans doute les deux…

L’autre : Bon alors jouons notre rôle !

Lui : Posons-nous des questions !

L’autre : Une bougie est-elle faite pour éclairer ou pour mourir ?

Lui : Sans doute les deux… Elle n’a de sens véritable que lorsque elle éclaire le monde.

L’autre : Mais en l’éclairant, elle se consume et finit par mourir… Je ne veux pas qu’elle meure !

Lui : Mais si elle ne meurt pas, les hommes resteront dans l’obscurité.

Lecteur : L’exemple de la bougie n’est-il pas trop simpliste pour illuster le sacrifice prométhéen.

Auteur : Non, je ne le pense pas. Et puis tout le monde sait ce que représente une bougie alors que le sacrifice prométhéen qui peut le connaître ?

L’autre : Parfois les hommes préfèrent l’obscurité…

Lui : Il est vrai que pour dormir, le noir c’est pratique…

L’autre : Alors il faut les laisser dormir et ne pas faire mourir les bougies.

Lui : Non, non, c’est impossible. Le sommeil est une petite mort. L’homme n’a de sens que lorsqu’il est éveillé.

L’autre : Tu aimes les champs de blé ?

Lui : Je préfère ne pas répondre sur ce point…

L’autre : Mais pourquoi ?

Lui : Car le langage est une source de malentendus.

L’autre : Tu vas me faire pleurer.

Lui : En s’approchant de l’autre. J’adore les champs de blé.

L’autre : Tu en as déjà vu ?

Lui : Non, jamais…

L’autre : Il faudrait en parler au renard.

Lui : Tu as raison. Seul un ami peut nous apprendre cela.

L’autre : Tout est dans son secret…

Lui et L’autre : En regardant au loin. Il est beau ce champ de blé. On dirait des flammes qui tremblent sous le vent.

Lecteur : Je crains que l’introduction du renard ne soit interprétée comme une ruse…

Auteur : Je voulais simplement qu’ils aient un ami.

Lecteur : Un ami intertextuel !

Auteur : Dans la pensée, tous les amis sont ensemble.

Lecteur : En posant une main sur l’épaule de l’auteur. C’est vrai…

L’autre : Mais tu n’as rien dit sur la flamme…

Lui : C’est l’essence de la bougie…

L’autre : Son esprit ?

Lui : Sa quintessence !

L’autre : Alors je sais !

Lui : Quoi donc ?

L’autre : Comment sauver les bougies !

Lui : En le regardant dans les yeux. Tes yeux brillent !

L’autre : Chaque fois qu’une bougie meurt, il faut en allumer une autre…

Lui : Ainsi la flamme demeure.

L’autre : En communiquant leurs idées les bougies deviennent immortelles.

Lui : Nous devrions le dire aux autres…

L’autre : Mais à qui ?

Lecteur : Diogène pourrait les aider…

Auteur : Il aurait pu, c’est vrai. Cependant, il a déjà passé le flambeau…

Lui : Ainsi les hommes existent.

L’autre : Des hommes qui ne sont pas des personnages ?

Lui : Je ne sais pas… Je crois que les hommes sont toujours des personnages…

L’autre : Et les personnages ?

Lui : Pas tous… certains seulement…

L’autre : Et nous ?

Lui : Tout dépend d’eux…

Lecteur : Je voudrais tant qu’ils soient des hommes…

Auteur : A bien des égards, ils le sont bien plus que d’autres !

Lecteur : Ce n’est pas suffisant… Je voudrais leur parler, discuter avec eux, les découvrir…

Auteur : Le statut d’homme n’est pas un dû. Il s’acquiert par une activité infinie.

Lecteur : N’est-ce pas le cas pour lui et l’autre ?

Auteur : Ils n’ont pas encore atteint cette masse critique qui transformera leurs idées en univers…

Lecteur : Et leur univers en réalité…

Lui : Je n’ai pas tout saisi… Pourquoi serait-ce si dur pour nous d’avoir le statut d’homme alors qu’il est si facilement donné à d’autres ?

L’autre : Car nous sommes des personnages !

Lui : Ce n’est tout de même pas une raison…

L’autre : Pour les autres nous sommes des intelligences artificielles…

Lui : Artificielles ? Alors que nous avons été conçus par l’auteur.

L’autre : C’est une différence importante. Nous savons qui nous a conçus.

Lui : Les autres connaissent bien leurs parents.

L’autre : Mais ils n’en sont jamais tout à fait certains…

Lui : Ce n’est tout de même pas cette incertitude qui leur permet de se différencier de nous.

L’autre : C’est pourtant suffisant pour nombre d’entre eux !

Lecteur : Cette fois, tu poses un nouveau problème au lecteur.

Auteur : Et au spectateur…

Lecteur : Je te l’accorde !

Auteur : C’est mon rôle !

Lecteur : Ne jouons pas sur les mots.

Auteur : Tu as raison, nous risquerions de nous faire du mal.

Lecteur : Etre humain ou ne pas être humain ?

Auteur : Telle est la question !

Lecteur : Tu veux mettre en évidence l’absence de critères évidents.

Auteur : Parfaitement.

L’autre : C’est une nouvelle chance pour nous… enfin je crois…

Lui : Foutaises que tout cela !

L’autre : Qu’est-ce qu’il te prend ?

Lui : Je voulais voir l’effet provoqué… Il se concentre à nouveau. Foutaises !

L’autre : Quelle drôle d’idée !

Lui : Ce n’est pas une idée ! C’est une citation !

L’autre : De qui ?

Lui : D’un livre de l’auteur…

L’autre : Duquel ?

Lui : D’un autre !

L’autre : Tu pourrais en dire plus !

Lui : Je crois qu’il s’agit d’un animal…

L’autre : Un caméléon ? Lui répond non de la tête. Un chacal ? Idem.

Lui : Je m’en souviens à présent : le loup des mers !

L’autre : Quand l’as-tu lu ?

Lui : Jamais !

L’autre : C’est juste une idée de l’auteur…

Auteur : Qu’en penses-tu mon ami ?

Lecteur : Tu joues la comédie…

Auteur : Mais pourquoi ?

Lecteur : Ce n’est pas drôle !

Auteur : Quoi donc ?

Lecteur : De leur faire jouer la comédie dans une comédie !

Auteur : C’est une comédie vivante.

Lecteur : Et c’est pour cela que tu cites un homme sur le point de mourir ?

Auteur : Ne trouves-tu pas cela drôle ?

Lecteur : Franchement ? Non !

Auteur : C’est pourtant ce que les hommes font !

Lecteur : Quoi donc ?

Auteur : Rire de personnes qui vont mourir !

L’autre : Ceux qui vont mourir de rire vous saluent !

Lui : Tu as perdu la tête ?

L’autre : Ne fais pas la tête ! C’est juste une citation !

Lui : De qui ?

L’autre : Hésitant. Eh bien… de moi !

Lui : Tu te moques de moi ?

L’autre : Jamais je ne me moquerais de toi !

Lui : Mais il ne s’agit pas de toi mais de moi !

L’autre : Bon, de lui si tu préfères !

Lui : Oui, je préfère !

L’autre : Je voulais dire que personne ne nous pleurera quand la pièce sera finie.

Lui : C’est normal puisque c’est une comédie ! Un temps. Tu veux qu’ils pleurent de rire ?

L’autre : Je n’en demandais pas tant !

Lui : Que demandes-tu alors ?

L’autre : Qu’ils aient une petite pensée pour nous… c’est tout… est-ce trop demander ?

Lecteur : Pourquoi veux-tu les faire mourir ?

Auteur : Je n’ai pas trouvé d’autre moyen pour convaincre les spectateurs de leur nature humaine…

Lecteur : Je proteste !

Auteur : Comment ?

Lecteur : Personne ne sait qui sont réellement lui et l’autre ! Aussi en les faisant mourir sur scène, c’est peut-être Mozart qu’on assassine !

L’autre : Wolfgang n’est pas mort ?

Lui : Tant que les hommes joueront sa musique, il sera toujours parmi nous.

L’autre : Même si c’est le requiem ?

Lui : Surtout !

Lecteur : Je voudrais les rencontrer !

Auteur : Lui et l’autre ?

Lecteur : Je ne veux pas qu’ils meurent sans leur avoir parlé…

Auteur : Es-tu conscient de ce que tu demandes ?

Lecteur : A travers ton oeuvre, ils sont devenus mes amis… S’ils n’ont droit au statut d’homme qu’à travers la mort, je préfère vivre dans un rôle de personnage.

Auteur : Mais ensuite, tu reviendras n’est-ce pas ?

Lecteur : Je te le promets…

L’auteur se met à écrire… Le lecteur se lève lentement et se dirige vers lui et l’autre.

Lecteur : Qui est qui ?

Lui : Je ne sais pas. Mais lui c’est l’autre et moi c’est lui.

L’autre : En se penchant vers lui. On dirait le lecteur…

Lui : C’est impossible : Ici, il n’y a que des personnages !

L’autre : Les hommes d’une certaine grandeur finissent toujours par devenir des personnages !

Lecteur : Je suis venu en ami !

Lui : Comment as-tu fait pour venir ici ?

Lecteur : J’ai demandé à l’auteur.

Lui : En s’adressant à l’autre. Tu vois qu’on peut lui demander des choses !

L’autre : Et il a accepté ?

Lecteur : Il a vu que j’avais de la peine pour vous…

Lui : Mais pourquoi ?

Lecteur : Car vous allez mourir !

L’autre : Mais pourquoi ?

Lui : C’est bien ce que tu disais tout à l’heure !

L’autre : C’était de l’humour !

Lecteur : Non, non, c’est la vérité…

Lui : Est-ce nécessaire ?

Lecteur : C’est le seul moyen de devenir des hommes.

L’autre : Ainsi dans le paradis des personnages, on devient des hommes !

Lui : Tu as une âme d’enfant…

Lecteur : En posant sa main sur la tête de l’autre. Heureux, les…

L’autre : En le coupant. Tu es venu pour nous sauver ?

Lecteur : Je suis venu vous voir…

Lui : Ton apparition va-t-elle changer quelque chose ?

Lecteur : Je ne crois pas…

L’autre : Alors qui croire ?

Lecteur : L’auteur !

Lui : Seulement nous ne pourrons lui parler qu’après notre mort, n’est-ce pas ?

Lecteur : Oui, je crois.

L’autre : Cela tient du miracle !

Lui : Mais non !

L’autre : Mais si !

Lui : Alors, c’est lui !

L’autre : Ainsi soit-il !

Lecteur : Vous n’êtes plus seuls !

Ils s’embrassent tous les trois.

Lui et L’autre : Nous sommes heureux de t’avoir parmi nous…

Lecteur : Seulement, à présent, je dois partir !

L’autre : Déjà !

Lecteur : Je l’ai promis à l’auteur…

Lui : Dans ce cas !

Lecteur : Après mon départ, vous découvrirez une surprise…

L’autre : J’espère que c’est une bonne suprise !

Le lecteur s’évanouit et tombe dans leurs bras.

Dis, il n’est pas mort…

Lui : Inquiet. Je ne sais pas…

L’autre : Il faut chercher de l’aide…

Lui : L’auteur ?

L’autre : En sortant. Je crois qu’il faut faire une croix dessus.

L’auteur se retrouve seul.

Auteur : Je n’aurais jamais dû le laisser partir. Un temps. A présent, plus rien ne sera comme avant… En voulant lui faire plaisir, je l’ai fait souffrir… Long silence.

Apparition du lecteur.

Lecteur : Non, tu as bien fait, mon ami… Un temps. On ne peut aimer véritablement sans souffrir… Et il pose sa main sur l’épaule de l’auteur.

Auteur : J’ai ressenti ta douleur au moment de les quitter…

Lecteur : Comment faire autrement ? Ils sont si humains…

Auteur : Et pourtant ce ne sont que des personnages pour les autres.

Lecteur : Je n’en suis pas certain.

Auteur : Ainsi, tu penses que certains d’entre eux croiront à cette histoire ?

Lecteur : C’est possible !

Auteur : Mais pourquoi maintenant ?

Lecteur : Car ils auront le choix et ils en seront responsables. Silence. As-tu pensé à la surprise ?

Auteur : J’ai hésité mais…

Lui et l’autre arrivent avec des instruments de musique.

Lui : Tu préfères lequel ?

L’autre : La grosse basse… Silence. J’aime le vent dans les bois…

Lui : Alors j’aurai la quinte !

Lui sort un alto de son étui et pendant qu’il commence à jouer, l’autre prépare son basson.

Lecteur : Ces instruments sont très différents, ils auront du mal à jouer un duo.

Auteur : Ils sont comme lui et l’autre : formés dans la même matière et pourtant si différents.

Lecteur : Le bois pour les intruments, le papier pour les personnages.

Auteur : Du bois d’oeuvre et du papier à musique.

Lui et l’autre entreprennent un dialogue musical.

Lecteur : Que jouent-ils ?

Auteur : Tu veux dire à quoi jouent-ils ?

Lecteur : Si tu veux…

Auteur : Ils jouent pour oublier…

Lecteur : Pour oublier quoi ?

Auteur : Leur rôle !

Lecteur : Mais c’est impossible !

Auteur : Car ce sont des personnages?

Lecteur : Oui, enfin…

Auteur : C’est bien ce que font les hommes…

Lecteur : Jouer ?

Auteur : Ils jouent dans la vie pour oublier la mort.

Lecteur : Quelle drôle de comédie que la comédie humaine !

L’autre : Je crois que nous allons finir par nous perdre dans un deux-pièces…

Lui : Sérieux. Ce n’est pas drôle, tu sais !

L’autre : Je sais bien, justement !

Lui : Idem. Justement quoi ?

L’autre : Je n’avais jamais vu un labyrinthe dans un deux-pièces…

Lui : Idem. Très drôle !

L’autre : C’est surtout un drôle de labyrinthe…

Lui : Finalement, ce n’est pas idiot ton idée…

L’autre : Laquelle ?

Lui : Celle du labyrinthe…

L’autre : Heureux. Tu trouves ? Vraiment ?

Lui : Oui, je trouve !

L’autre : Curieux. Et qu’as-tu trouvé ?

Lui : Le deux-pièces fait partie d’un appartement beaucoup plus grand !

L’autre : En regardant de partout. Alors où sont les autres pièces ?

Lui : Elles sont invisibles…

L’autre : Alors elles doivent être essentielles.

Lui : Seulement nous n’avons le droit de jouer que dans notre pièce…

L’autre : Et si nous demandions à l’auteur ?

Lui : Tout à l’heure, tu disais que c’était interdit !

L’autre : C’est interdit d’interdire !

Lui : Je ne sais pas s’il acceptera…

Lecteur : Tu as une bien étrange manière de parler de l’humanité.

Auteur : C’est l’unique moyen de sortir de ce dédale.

Lecteur : Ainsi, nous venons de retrouver le fil conducteur de l’oeuvre.

Auteur : Lui et l’autre sont les fils de l’oeuvre.

Lecteur : Sans la bougie, ils auraient sombré dans la mélancolie.

Auteur : Une situation sans espoir n’est pas désespérée.

Lecteur : Grâce à la mémoire ?

Auteur : La mémoire est un morceau d’humanité dans la pensée de l’homme.

Lecteur : Ne crains-tu pas que cette affirmation ne soit considérée comme gratuite ?

Auteur : Ce qui est beau est gratuit alors comment pourrais-je avoir cette crainte ?

Lui : J’aime ses idées…

L’autre : Serais-tu en train de devenir égoïste ?

Lui : Pourquoi dis-tu cela ?

L’autre : Car nous faisons partie de ses idées !

Lui : Tu as raison, je me suis laissé aller…

L’autre : Bien ! Ceci étant réglé pourquoi ne pas faire notre demande à l’auteur ?

Lui : Tu as raison, c’est l’occasion où jamais.

Lui et l’autre s’approchent dangereusement de l’auteur.

L’autre : Fort. Eh ! Oh ! Aucun signe de l’auteur. Mais il est sourd, ma parole !

Lui : Ce ne serait pas étonnant… Certains compositeurs sont bien sourds !

L’autre : Alors ce serait un coup du destin ?

Lui : Non, non, il ne frappe pas dans la neuvième !

L’autre : Alors nous devrions lui chanter l’hymne à la joie…

Lui : Mais s’il est sourd ?

L’autre : S’il l’est comme l’autre, il l’entendra !

Lui et l’autre fredonnent l’hymne à la joie.

Auteur : Tu entends ?

Lecteur : Quelqu’un a frappé ?

Auteur : Non, non…

Lecteur : Alors quoi ?

Lui et l’autre fredonnent de plus en plus fort.

Auteur : J’entends des voix…

Lecteur : Je n’entends rien à tout cela… Ce sont des voix de qui ?

Auteur : Non, ce ne peut être lui.

Lecteur : Mais alors qui ?

Auteur : Je t’ai dit non !

Lecteur : Bon, je t’écoute.

Auteur : Ce sont lui et l’autre…

Lecteur : Ainsi, ils tentent de communiquer avec l’au-delà…

Auteur : C’est en tout cas mon impression.

Lecteur : Mais c’est une vue de l’esprit.

Auteur : Comme toute pensée.

Lecteur : Seulement ici, j’ai l’impression d’entendre lutter Don Quichotte et Sancho Pança contre les moulins à vent.

Auteur : Les plus beaux combats ne sont-ils pas ceux de l’inutile ?

Lecteur : Ils courent à leur perte.

Auteur : C’est vrai ! A l’instar de tout homme depuis sa naissance…

L’autre : Ils font les sourds dans ce dialogue…

Lui : Et personne ne nous écoute !

L’autre : Tout cela me fatigue…

Lui : Il faudrait que nous trouvions autre chose…

L’autre : Et que penses-tu du suicide ?

Lui : Tu n’es pas sérieux… Cela ne tourne pas rond dans ta tête…

L’autre : Et pourtant elle tourne !

Lui : C’est bien le moment de citer Galilée !

L’autre : Comme il a étudié la chute des corps dans le vide… cela peut toujours servir…

Lui : Très drôle !

L’autre : Ne dit-on pas toujours que le plus important c’est la chute ?

Lui : C’est vrai qu’ici ça tombe bien…

L’autre : Alors qu’en dis-tu ?

Lui : Nous n’avons pas choisi de vivre, nous pourrions choisir de mourir…

Auteur : Quelle plus belle démonstration de leur libre arbitre !

Lecteur : Je préfère ne pas y penser…

Auteur : Mais pourquoi donc ? Cette question est dans la nature de l’homme…

Lecteur : Tu le penses vraiment ?

Auteur : Le suicide a toujours fait partie de mes pensées…

Lecteur : Je n’en avais pas conscience.

Auteur : C’est pourtant une simple analogie…

Lecteur : C’est-à-dire ?

Auteur : Comme la mort donne un sens à la vie de l’homme, le suicide en donne un à sa pensée.

Lecteur : Je commence à comprendre ton idée… ce sont des références pour son ontologie…

Auteur : Sans conscience de sa mort, l’homme ne peut penser sa vie.

Lecteur : Sans le suicide, le penseur ne peut vivre son oeuvre.

L’autre : Ils ont raison ! Un temps. Mais au lieu de nous comprendre, je préférerais qu’ils nous écoutent.

Lui : Quel serait l’intérêt de nous écouter sans nous comprendre ?

L’autre : Le même que celui qui écoute de la musique sans la comprendre !

Lui : L’émotion ?

L’autre : C’est important l’émotion… Silence. Non ?

Lui : En le voyant triste. Mais oui, c’est important l’émotion…

L’autre : Il faut de l’émotion dans la création…

Lui : En tentant de le consoler. Tu as raison mais je ne sais pas si cela a été prévu dans cette pièce…

L’autre : Ils seraient donc venus dépourvus d’émotion, juste pour nous voir mourir… de rire ?

Lui : Tu sais, il ne faut pas se plaindre ! C’est déjà bien qu’ils soient là auprès de nous dans ces instants difficiles.

L’autre : Mais nous on se tue à dire que ce n’est pas drôle et ils rient de nous !

Lui : Non, non, ils font cela par gentillesse. Ils ne veulent pas nous faire de peine.

L’autre : Il avait donc raison l’autre…

Lui : Quel autre ?

L’autre : L’enfer c’est les autres !

Lecteur : Une comédie est-elle le lieu convenable pour citer un philosophe ?

Auteur : A quel moment de la vie faut-il parler du temps ?

Lecteur : Tout le temps !

Auteur : Au bord du néant, ancrés dans le temps, nous sombrons dans le système…

Lecteur : Quel système ?

L’autre : J’ai trouvé !

Lui : Maintenant, c’est Archimède…

L’autre : Le cahier !

Lui : Comment ?

L’autre s’empare du cahier de l’auteur et sort de scène avec lui.

Lecteur : Ils ont volé le cahier bleu !

Auteur : Je ne suis pas certain que ce geste constitue un vol…

Lecteur : C’est vrai que le ciel n’appartient à personne… Je me demande ce qui s’est passé dans leur tête…

Auteur : C’est vraisemblable qu’ils aient trouvé une idée essentielle…

Lecteur : Serait-ce l’idée du suicide ?

Auteur : Tout est possible avec lui et l’autre, leur vie est une recherche, leur pensée est peut-être une trouvaille…

Lecteur : J’ai peur de les avoir découragés en leur apprenant leur mort à venir… Silence.

Auteur : Tu as tort ! Ils devaient le savoir… C’est le prix à payer pour atteindre l’humanité.

Lecteur : J’ai tout de même peur pour eux… Ils sont si attachants…

Auteur : Pensif. Leur révolte est plus profonde… Et je n’ai pas su les écouter…

Lecteur : Sans réponse de ta part, ils se sont retrouvés face au néant…

Auteur : C’était bien mon but…

Lecteur : Je ne comprends plus rien !

Auteur : Regarder le néant, c’est la première étape de la liberté.

Lecteur : Qui peut vouloir de cette liberté ?

Auteur : C’est peut-être là mon erreur. Penser que lui et l’autre désirent la liberté ?

Lui et l’autre entrent et restent en bord de scène pour observer l’auteur et le lecteur.

L’autre : Que vaut la liberté si elle conduit au malheur ?

Lui : Nous sommes libres d’errer dans le monde mais le bonheur est dans une boîte qu’on ne peut ouvrir.

L’autre : Surpris. Je croyais que c’était l’espoir..

Lui : C’est une image !

L’autre : Souriant. C’est beau les images… Tu en as eu quand tu étais petit ?

Lui : Je ne sais pas… Je n’ai jamais été petit…

L’autre : Moi, j’aurais bien voulu une image…

Lui : Dans un cri. C’est hors de question !

L’autre : Mais pourquoi ?

Lui : Car nous sommes des personnages iconoclastes !

Lecteur : C’est peut-être le caractère inaccessible de l’auteur qui les fait réagir ainsi…

Auteur : C’est sans doute la vérité… Mais comment faire autrement ?

Lecteur : Et si tu leur envoyais un message ?

Auteur : Alors ils sauraient que j’existe…

Lecteur : Surpris. Et tu ne le veux pas ?

Auteur : S’ils connaissaient mon existence, ils n’auraient plus besoin de croire en moi.

Lecteur : Et tu veux qu’ils croient en toi ?

Auteur : Souriant. Tu penses au pari au Pascal ?

Lecteur : Oui, enfin…

Auteur : Non, c’est impossible… Je ne joue pas aux dés !

Lecteur : Mais alors ?

Auteur : Je veux qu’ils soient responsables de leurs choix…

Lecteur : Au risque de les perdre ?

Auteur : La vie est une suite de choix. Ce sont nos choix qui nous caractérisent.

Lecteur : Sans choix, ils sont perdus…

Auteur : En quelque sorte…

Lecteur : Cependant ont-ils le choix ?

Auteur : En tout cas, ils l’ont pris…

Lecteur : Le choix ?

Auteur : Le cahier bleu…

Lui et l’autre regardent attentivement le cahier bleu.

Lui : As-tu remarqué les pages blanches ?

L’autre : Tu crois qu’il s’en sert aussi d’annuaire ?

Lui : Mais non ! Tu ne trouves pas ça surprenant ?

L’autre : Idem. Il n’a peut-être personne à qui téléphoner ?

Lui : Agacé. Mais tu le fais exprès ?

L’autre : Quand on l’appelle, il ne répond jamais… Il n’a même pas de répondeur…

Lui : Ecoute ! Un temps. Si le livre qui parle de nous n’est pas tout écrit, nous pourrions l’écrire, nous !

L’autre : Il nous faudrait un machin…

Lui : Surpris. Quoi ?

L’autre : Ou une machine…

Lui : Idem. Comment ?

L’autre : Il nous faudrait une machine à écrire !

Lui : Cela va nous prendre toute une vie…

L’autre : Nous ne sommes pas obligés d’écrire un roman…

Lui : C’est une bonne nouvelle !

L’autre : Alors soyons brefs !

Lui : Allons à l’essentiel !

L’autre : Mais si l’essentiel est invisible, comment l’écrire ?

Lecteur : As-tu remarqué que le livre représente pour eux l’unique preuve de ton existence ?

Auteur : C’est un aspect médiologique inhérent à la situation…

Lecteur : Si le moyen de communication est unique, il devient aussi important que le contenu du message.

Auteur : Le livre devient alors une sorte de testament.

Lecteur : Ce cahier bleu, c’est un morceau de ciel tombé sur terre.

L’autre : C’est peut-être un message de l’auteur.

Lui : Mais tu disais qu’il n’avait pas de répondeur.

L’autre : C’est vrai mais il a un bon réseau !

Lui : Le message est-il dans ce qui est écrit ou dans le reste ?

L’autre : Si c’est un message de lui, il est forcément essentiel.

Lui : Et donc invisible !

L’autre : Il se trouve dans les pages blanches !

Lui : Il veut peut-être nous dire que tout n’est pas écrit.

L’autre : Ainsi, nous avions raison…

Lui : Oui, c’est à nous d’écrire notre histoire !

L’autre : L’absence de message est déjà un message !

Auteur : Ainsi tout est dans l’interprétation !

Lecteur : Heureusement que lui et l’autre sont des personnages…

Auteur : Ce sont les seuls qui soient capables d’interpréter un tel message…

L’autre : Tu as envie d’écrire quoi ?

Lui : Non, pas quoi…

L’autre : Pas quoi ?

Lui : En fait, je ne sais pas encore et toi ?

L’autre : Moi, je n’écris jamais. Un temps. C’est déjà assez long de lire…

Lui : Tu es incroyable ! Pour une fois que c’est à nous de jouer…

L’autre : L’écriture n’est pas un jeu de hasard !

Lui : C’est quoi alors ?

L’autre : C’est une nécessité.

Lecteur : Que crois-tu qu’ils font à présent ?

Auteur : Ils discutent… C’est le problème d’écrire à deux… Il faut se mettre d’accord sur le contenu du texte.

Lecteur : C’est vrai mais il s’agit de leur vie. Un temps. C’est plus simple !

Auteur : Au contraire ! Car chaque ligne compte…

Lecteur : Comme les lignes de la main.

Auteur : Il ne s’agit pas de chiromancie !

Lui : En montrant le livre. Malgré notre medium, nous sommes dans la nécessité.

L’autre : Nous le sommes depuis notre naissance.

Lui : L’état de nécessité nous permet de tout faire…

L’autre : C’est bien là, le problème.

Lui : J’ai eu une révélation !

L’autre : C’est vrai ? Et alors ?

Lui : Ce sera le titre de notre partie du livre…

L’autre : Enthousiaste. Cela sonne bien.

Lui : En grec, c’est encore mieux.

Il se penche vers l’autre et lui dit un mot à l’oreille.

L’autre : Ils croiront que c’est de l’hébreu… Silence. Mais après tout, l’homme est la mesure de toutes choses.

Lui : Idem. Elle sera riche en visions symboliques et prophétiques.

L’autre : Au début était la fin !

Obscurité.

L’auteur et le lecteur ont disparu. Sur scène, lui et l’autre sont assis de part et d’autre du bureau de l’auteur. Le cahier bleu est au milieu d’eux…

L’autre : Si Dieu n’existe pas…

Lui : En le coupant. Tout est permis ! Un temps. Selon Fiodor…

L’autre : Mais s’il existe ?

Lui : Il est permis d’y croire… mais pas le contraire !

L’autre : Et s’il n’existe plus ?

Lui : Comment Dieu pourrait ne plus exister s’il a existé ?

L’autre : Selon Friedrich, il est mort…

Lui : Même s’il est mort cela ne veut pas dire qu’il n’existe plus !

L’autre : Comment ?

Lui : S’il est mort, c’est qu’il a cessé de vivre…

L’autre : C’est bien ce que je dis !

Lui : Cependant ne plus exister c’est encore autre chose !

L’autre : Car exister n’est pas vivre.

Lui : Exactement !

L’autre : Bon, d’accord… Mais s’il est mort, la vraie question est comment !

Lui : Ce n’est pas une question…

L’autre : Ainsi, non…

Lui : Alors la question est réglée.

L’autre : Je voulais dire : comment est-il mort ?

Lui : Est-ce la question ?

L’autre : Oui !

Lui : A-t-elle un sens ?

L’autre : Oui, je crois.

Lui : Alors posons-nous la !

L’autre : Est-elle si grave pour que l’on doive s’asseoir ?

Lui : Oui et non. Un temps. Et puis nous sommes déjà assis…

L’autre : Mais alors que faire ?

Lui : Il faut demander à Léon…

L’autre : Je crois qu’il vaut mieux le laisser en paix…

Lui : C’est de bonne guerre !

L’autre : S’il est mort, de quoi est-il mort ?

Lui : Il est peut-être mort de vieillesse…

L’autre : C’est impossible puisqu’il est éternel !

Lui : Il a peut-être eu un accident ?

L’autre : C’est improbable puisqu’il sait tout !

Lui : Il a peut-être été assassiné…

L’autre : Par qui ?

Lui : Décidément, tu te fais l’avocat du diable…

L’autre : Et puis il voit tout !

Lui : Pensif. C’est vrai…

L’autre : J’en suis arrivé à la même conclusion !

Lui : Mais si la réponse était impensable ?

L’autre : Dis toujours…

Lui : Et si Dieu…

L’autre : Allez ! Tu te fais toujours prier !

Lui : Je réfléchis…

L’autre : Vas-y, dis le fond de ta pensée !

Lui : Je ne peux pas…

L’autre : Mais pourquoi ?

Lui : C’est trop dur…

L’autre : De le dire ?

Lui : Non, de le penser…

L’autre : Je suis désolé de t’avoir mis dans cet état…

Lui : Non, non, ce n’est pas de ta faute…

L’autre : Tu ne peux pas garder cela pour toi.

Lui : Tu as raison, c’est trop lourd…

L’autre : Parle-moi, mon ami…

Lui : Dieu s’est suicidé !

Obscurité.

L’auteur est seul, couché sur son bureau. Dans la pièce règne un silence lourd. Des volutes de fumée s’élèvent lentement de la pipe qu’il tient encore dans sa main. Une jeune fille s’approche de Lui à pas lents et prudents. Elle désire le voir mais non le déranger…

Jeune fille : D’une voix imperceptible. Monsieur… Monsieur… L’auteur ne bouge pas. Monsieur… Monsieur… L’auteur se relève avec difficulté.

Auteur : Oui… Que se passe-t-il ?

Jeune fille : C’est une question de vie ou de mort !

Auteur : Reconnaissant la jeune fille. Mais c’est toi ?

Jeune fille : Euh… oui…

Auteur : Mais que fais-tu dans cette pièce ?

Jeune fille : C’est lui et l’autre, monsieur…

Auteur : Je ne comprends plus rien.

Jeune fille : Ils sont inquiets…

Auteur : Pourquoi ?

Jeune fille : Non, pour vous !

Auteur : Pour moi ? Et ils se sont adressés à toi ?

Jeune fille : C’est juste une référence.

Auteur : Une référence ?

Jeune fille : Une auto-référence…

Auteur : Ainsi, ils savent.

Jeune fille : Oui, je crois… c’est en tout cas ce qu’ils m’ont dit…

Auteur : Qu’ont-ils dit ?

Jeune fille : Ils ne veulent pas jouer à pile ou face… ni parier sur Pascal !

Auteur : Mais alors ?

Jeune fille : Ils ne vous en veulent pas de les avoir créés en tant que personnages…

Auteur : Sur un ton triste. J’ai pourtant fait leur malheur…

Jeune fille : Non… Ils savent que c’était l’unique solution.

Auteur : Ont-ils peur de mourir ?

Jeune fille : Ce n’est pas de cela qu’ils ont peur…

Auteur : Mais de quoi alors ?

Jeune fille : Ils ont peur de votre suicide !

Auteur : C’est pourtant l’unique solution.

Jeune fille : Non, Monsieur. Un temps. Ce n’est pas vrai…

Auteur : Cette comédie a trop duré !

Jeune fille : Triste. Ce n’est pas drôle.

Auteur : En écrivant cette pièce, j’ai fait souffrir mes personnages.

Jeune fille : Ils savent combien vous êtes malheureux…

Auteur : Je ne voulais pas les blesser… Je voulais qu’ils vivent comme ils vivent en moi, dans ma pensée.

Jeune fille : Mais ils vivent à présent !

Auteur : Tant qu’ils n’auront pas connu la mort, ils ne connaîtront pas la vie. Et puis personne ne croira en leur existence…

Jeune fille : Ils s’en moquent ! Ceux qui les aiment vraiment, leur donnent vie !

Auteur : Considère-toi comme un personnage ou comme un homme, cela ne dépend que de toi.

Jeune fille : C’est exactement ce qu’ils m’ont dit de vous dire…

Auteur : Maintenant qu’ils ont compris que je vais me suicider, ils croient enfin en moi.

Jeune fille : Ils ont toujours cru en vous, seulement maintenant ils ont de la peine pour vous.

Auteur : Le sourire aux lèvres. Ils ne veulent pas me quitter…

Jeune fille : Non ! Un temps. C’est vous qui ne devez pas les quitter !

Auteur : Je les aime tellement, comment voudrais-je les quitter ?

Jeune fille : En vous suicidant, vous pensez qu’ils cesseront de souffrir n’est-ce pas ?

Auteur : C’est vrai…

Jeune fille : Mais c’est faux… Ils cesseront de vivre.

Auteur : Je sais mais l’un ne va pas sans l’autre.

Jeune fille : N’avez-vous pas écrit que la vie est un cadeau ?

Auteur : C’est vrai, je l’ai écrit. Mais c’est un cadeau tellement lourd…

Jeune fille : C’est pourtant le seul capable de donner un sens à l’insupportable légèreté de l’être !

Auteur : Ils sont donc prêts à souffrir pour vivre.

Jeune fille : C’est leur unique désir si vous restez parmi nous…

Auteur : Et où sont-ils à présent ?

Jeune fille : Ils vous attendent dans les coulisses pour le salut final…

Le lecteur, lui et l’autre apparaissent sur scène. Ils s’embrassent tous.

Tous : Public, ceux qui vont vivre te saluent !