2212 - Transcription des notes d’Alexandre Carathéodory sur la protection des Catholiques

N. Lygeros

                                                                              N° 197

Lord Cowley à Lord Clavendon

                                                                   Paris 31 Mars 1853

Mylord,

Il n’est peut-être pas sans intérêt de faire remarquer

la très forte protestation du Gt Français, contre la supposition

que ce gouvernement réclamait en vertu des capitulations de

droit de protéger tout Catholique Romain Etranger dans

les états du Sultan. Je dois avouer que je n’avais jamais

entendu discuter la question au point de vue mis en avant

par la Russie. Tout ce que les Français réclament c’est le

droit de protéger les membres de cette religion qui font

partie des établissements qui sont placés sous leur protec-

tion en Terre-Sainte et ailleurs. Mr  Drouyn de Lhuys

qu’il a étudié tous les documents relatifs à l’époque ou

les Capitulations ont été conclues et qu’il est très évident

que les ambassadeurs de France ont toujours répudié la

protection religieuse des sujets du Sultan Romains – Ca-

tholiques, comme dérogatoire aux droits souverains du

Sultan et à l’indépendance de la Sublime Porte.

                                                   _____

Mémorandum Russe sur le protectorat français sur les Latins

                                                    ______

 Drouyn de Lhuys au comte Walenski

                                                          Paris. Le 25 juin 1853

Mr le Comte.

Le Cabinet de St Pétersbourg en livrant à la publicité


la dépêche circulaire que M. le Comte de Nesselrodi vient, par

ordre de S.M. l’Empereur Nicolas, d’envoyer à toutes les

Légations de Russie à l’étranger, a donné à ce document

la valeur d’un manifeste adressé à l’Europe elle-même

aussi ai-je pensé qu’il était nécessaire de vous faire part

des réflexions générales que sa lecture m’a suggérées.

             Je remarquerai tout d’abord…

Quant à nos capitulations avec la Turquie, M. le Comte,

vous savez qu’elles ne nous ont jamais donné le droit de

protection sur les sujets Catholiques du Sultan. Si la

France a pu rendre à cette fraction minime de la population

ottomane des services du genre de ceux que la Russie

s’honore elle-même d’avoir rendu à ses corélégionnaires,

sa protection directe et officielle ne s’est jamais exercée

que sur des établissements étrangers desservis par des prêtres

également étrangers et dont le chef spirituel réside à

Rome. La protection de la Russie, au contraire, s’

appliquerait à un clergé composé de sujets du Sultan

et soumis hiérarchiquement à un Patriarche qui

dépend aussi de la Porte. Il n’y aurait donc aucune

assimilation possible entre la position des deux Puissances.

Je consigne ici du reste un important passage d’un

mémoire de M. le Comte de St Priest Ambassadeur

du Roi Louis XVI à Constantinople de 1768 à 1769,

et qui détermine nettement le caractère de notre pro-

tectorat. Voici comment s’exprime M. le Comte de St P.


« On a décoré le zèle de nos rois de l’expression de protection

de la religion Catholique en Levant ; mais elle est

illusoire et servait à égarer ceux qui n’approfondissent

pas la chose. Jamais les Sultans n’ont eu seulement

l’idée que les monarques Français se crussent

autorisés à s’immiscer de la religion des sujets de

la Porte. Il n’y a point de Prince, dit fort

sagement  un de mes prédécesseurs, M. le marquis

de Bonnet, dans un mémoire sur cette matière,

quelque étroite union qu’il ait avec un autre Souverain,

qui lui permette de se mêler de la religion de ses

sujets. Les Turcs sont aussi délicats que d’

autres là-dessus.

« Il est aisé de comprendre que la France, n’ayant

jamais traité avec la Porte qu’à titre d’amitié,

n’a pu lui imposer des obligations odieuses de leur

nature. Aussi le premier point de mes instructions

me prescrivait d’éviter tout ce qui pouvait causer

de l’ombrage à la Porte en donnant trop d’extension

aux capitulations en matière de religion. »

Cette citation me dispense de toute autre explication

sur un point qu’elle éclaire avec une si incontestable

autorité.

Ainsi donc, Monsieur le Comte, ni les anciens

Traités, ni les analogies qu’on invoque, ne peuvent

servir de bases aussi solides que l’on pense au

Cabinet de St Pétersbourg.

A l’occasion du projet de note de la sublime Porte,

au Comte de Nesselrode, projet soumis à l’acceptation

de celle-ci par le comte Bud et les Ambassadeurs

réunis à Vienne Lord Stratford de Rodechisse résume

les traités autichiens avec la Porte et notamment :

l’art. 13 du Traité de Carlowitz (1699)

l’art. 9 du Traité de Belgrade (1739)

l’art .12 du Traité de Sistvo (1791)

Après quoi communiquant le projet de réponse

arrêté par la Porte – par le Comte de Nesselrode –

le Cte de Clarendon écrit à Lord Stratford en date du 10 7bre

1853

… «  Il serait tout bonnement absurde de

« supposer qu’on aurait pu s’arrêter à l’idée d’étendre

«  à plusieurs millions de sujets de la Porte des pri-

vilèges religieux accordés à différentes époques aux sujets

« ottomans.

Ces paroles indiquent suffisamment que les articles

insérés dans les traités mentionnés n’avaient trait

aux yeux de la diplomatie Européenne qu’aux

sujets étrangers, autrichiens résidant  dans l’Empire

Ottoman.

(Correspondence respecting the rights & privileges of the Latin and

Greek Churches in Turkey. London 1854 p.94)