216 - Les Chacals (acte I)

N. Lygeros

Acte I

En Grèce, dans les bas-fonds d’Athènes, pas très loin de l’Agora, en plein quartier de Psyrri, on discerne dans une taverne enfumée, remplie de souffrance et d’amertume, des hommes assis dans leurs souvenirs, écrasés par la lumière des lanternes. Leurs regards se cachent sous des chapeaux mous, coiffés du ruban du deuil, qui couvrent leurs fronts d’une ombre épaisse et mystérieuse. Dans cette ambiance pesante, certains jouent au tavli, machinalement, à la merci du hasard, d’autres égrènent leur komboloï avec fierté et d’autres encore éprouvent le besoin de noyer leur chagrin dans un verre de retsina en écoutant le son du baglama qui accompagne le chant marginal d’un bouzouki à peine sorti de prison. Tous ont tout refusé pour vivre libres ; ils ont toujours choisi leur destin. Telle est la cause de leur exclusion de la société, de cet exil au sein de la mère patrie. Mais qu’importe, ils sont libres ! Cependant, pour combien de temps encore…

La porte s’ébranle avec fracas, surprenant tout le monde. Le silence immobile remplace alors le son des instruments et des voix humaines. Tous les regards se tournent vers cette ouverture impromptue. Deux hommes en franchissent le seuil, ils semblent épuisés mais heureux d’être là vivants. À leur vue, l’assistance s’écrie : Aléko ! Thanassi ! Et tous se précipitent vers eux, leurs regards transformés par cette soudaine apparition.

Michalis, qui tient encore Alékos dans ses bras

Mon frère, nous vous avions cru morts…

Thanassis, sur un ton vif

Nous l’étions, Michalis ! Mais nous devions revenir… Il le fallait !

Aris

Vous vous êtes donc évadés ?

Alékos

Non !

Silence.

Michalis, intrigué

Mais alors comment ?

Thanassis

Alékos a donné sa parole et ils nous ont laissé partir.

Aris

Ils vous ont donc libérés ?

Alékos

Ils nous ont donné deux jours…

Michalis, en le coupant

Deux jours ? Un temps. Deux jours avant quoi ?

Alékos

Ma mort !

Long silence.

Aris

Ne dis pas cela, Aléko ! Nous allons t’aider à t’enfuir.

Alékos

C’est impossible !

Michalis

Mais pourquoi, Aléko ? Je ne comprends pas.

Alékos, sur un ton grave

J’ai donné ma parole.

Michalis, exaspéré

Tu as donné ta parole d’honneur à ces chiens ?

Alékos

Non ! À la mort !

Aris

La justice est absente de notre monde.

Michalis

Et que vas-tu faire durant ces deux jours ?

Alékos

Je désire vivre !

Michalis

Quelle étrange idée !

Alékos

Nous vivons pour des idées mais rarement pour l’idée de vivre… Un temps. Tout au long de ma vie, j’ai marché avec pour unique richesse, notre soleil, cependant je n’ai jamais pu garder sa lumière. Un temps. Elle s’est écoulée comme notre vie.

Aris

Et que fais-tu de nos souvenirs ?

Alékos

Qu’importe la mémoire du passé si elle n’engendre pas la pensée du futur.

Michalis

Comment peux-tu parler de futur puisque tu n’as que deux jours à vivre ?

Alékos

Car à présent il a un sens pour moi. Un temps. Souviens-toi de la phrase de Rigas : plutôt une heure de liberté que quarante ans d’esclavage et de prison.

Thanassis

Tel est le propre de l’homme : esclave de son passé, maître de son futur.

Silence.

Aris, heureux d’avoir retrouvé ses amis

Vassili, fais-nous vivre avec ton bouzouki !

Après un court instant, le bouzouki reprend sa lamentation d’antan et les hommes serrés les uns contre les autres entonnent un chant de Tsitsanis : une mère soupire. Entre alors une jeune femme. Le pas de Roza semble décidé et en même temps empreint d’une certaine douceur. Elle dégage au sein de cette atmosphère d’hommes une grande fragilité ; une caresse sur la douleur du monde. Roza ses dirige vers Alékos qui ne la voit pas. Il est à présent assis, entouré de ses amis. Derrière lui, après avoir posé ses mains sur ses épaules, elle lui enlève son chapeau et l’embrasse tendrement sur le front. Les autres bien que surpris par sa présence demeurent silencieux devant cette scène. Alors Alékos se lève et la prend dans ses bras. Le bouzouki adoucit sa voix comme pour mieux les laisser s’étreindre.

Roza

Tu es libre depuis combien de temps ?

Aris

Il a toujours été libre !

Michalis

Ils viennent seulement d’arriver.

Roza

Je croyais qu’ils t’avaient condamné…

Aris

C’est le cas. Il est libre de mourir.

Roza

Pourquoi ne réponds-tu pas ?

Alékos semble ému mais il se retient.

Michalis

Il a accepté sa condamnation. Un temps. Il a donné sa parole qu’il y retournerait dans deux jours…

Roza, désemparée

Mais pourquoi leur as-tu donné ta parole ? Tu sais bien qu’ils n’en ont pas, eux !

Thanassis

Alékos m’a sauvé la vie… Un temps. S’il ne l’avait pas donnée, je serai déjà mort ! Silence.

Roza comprenant enfin, serre Alékos dans ses bras, fortement émue.

Alékos

Ne crains rien, Roza, nous resterons ensemble.

Roza

Oh ! Alékos ! Tu ne te rends pas compte. Nous n’avons que deux jours.

Alékos

Deux jours, c’est vrai ! Mais deux jours de vie ! Notre vie !

Roza

Comment vivre sans penser à la mort ?

Alékos

La mort fait partie de notre vie. Cela ne dépend pas de notre volonté, seulement de notre conscience.

Roza, en posant ses mains sur la poitrine d’Alékos

Tu es inconscient, mon amour !

Thanassis

Non, Roza, c’est notre conscience à nous tous.

Roza

Pourquoi faut-il que tu sois ainsi ? Pourquoi tout ce sang versé pour quelques instants de liberté ?

Alékos

Car notre vie n’en serait pas une, sans ces instants de liberté. Un temps. Il est de notre devoir de verser notre sang pour cette liberté.

Roza

Et c’est pour cela que nous n’avons pas le droit de vivre heureux, de sentir l’odeur du basilic, de goûter le sel de la mer ?

Alékos

Tout cela nous est interdit. Ils ne nous ont laissé que le droit de survivre sous leur joug ! L’occupation aliène les sens. Notre sang a blessé le basilic, nos morts ont souillé la mer. Ne vois-tu pas que même le soleil refuse de se lever sur notre patrie. Nous sommes tous devenus des condamnés à mort.

Roza, en posant sa main sur la bouche d’Alékos

Calme-toi, mon âme. Tu as trop souffert. Laisse-moi t’aimer… Les tortures t’ont brisé…

Thanassis

Non, Roza, personne n’a pu le briser. Un temps. Il est indestructible !

Roza

Et en même temps, si fragile… Comment supporter une telle existence ?

Alékos

Notre existence, c’est notre résistance !

Roza

Seulement tu as oublié ce que signifie la solitude…

Thanassis

Tu es injuste ! Alékos a connu l’isolement…

Roza

Je ne suis pas injuste, je suis une femme. Si je dis cela, c’est que je le ressens ainsi. À Alékos. Si tu meurs, qui te pleurera, qui restera seule dans ce vide qu’est devenue notre patrie ? Moi, et moi seule !

Elle pleure sur lui et il l’embrasse. Au même moment surgit sur scène Manos. Il a le souffle coupé.

Manos

Vite ! Vite ! Il n’y a plus un moment à perdre.

Michalis

Que se passe-t-il Mano ?

Manos

Les chiens ont préparé une embuscade, rue Démosthène, dans le tournant près des ruines…

Alékos, en s’écartant de Roza

Qui doit passer par là ?

Manos

Markos et des frères du Pirée.

Alékos, surpris

Markos, dis-tu ?

Manos

Oui, il a appris que tu étais sorti et il a décidé de venir te voir.

Alékos, pensif

Alors c’était pour le piéger qu’ils nous ont laissé sortir… En changeant de ton. Préparez-vous ! Nous partons ! À ces mots, ils se redressent tous. Markos ne peut compter que sur nous, les autres le laisseront se faire descendre sans bouger.

Roza

Ne me laisse pas, Aléko ! Pense à moi…

Alékos, en revenant vers elle

Markos est un ami d’enfance. Il a toujours été près de moi. S’il meurt par ma faute, jamais je ne pourrai me le pardonner. Un temps. Il l’embrasse. Je dois y aller !

Tous les hommes sortent.

Roza, restée seule

Aléko, ne me laisse pas…

Obscurité.

Dans une obscurité à peine bleutée, on entend des coups de feu, des cris, la chute des corps blessés. Puis des ordres qui découpent la nuit comme des lames d’acier. Enfin, un silence sourd, encore plus effrayant que les coups. La lune éclaire à peine un corps qui gît à terre… Un temps. On entend des bruits de pas précipités, puis un cri déchirant dans la nuit.

Alékos, qui tombe à genoux aux côtés de Markos

Marko ! Silence. Non, pas toi ! Un temps. Pourquoi toi. Ses frères s’approchent et l’entourent pendant qu’il prend la tête de Marko dans ses bras. La mort n’a pas le droit de t’emporter ! En lui frappant la poitrine. C’est moi qu’elle désire ! Tu n’as pas le droit de mourir !

Markos, avec une voix sourde

Ces chiens nous ont piégés…

Alékos

Je sais. Un temps. Ne parle pas… nous allons te transporter.

Markos

Non, c’est trop tard, Aléko. Je ne sens plus mes membres… Tiens-moi, mon frère.

Alékos, en le serrant dans ses bras

Personne ne t’emportera ! Nous resterons ensemble.

Markos

Comme dans le temps…

Alékos

Oui, Marko, comme dans le temps !

Markos, en tenant le bras d’Alékos

Tu te rappelles mon baglama ?

Alékos

Comment pourrais-je l’oublier ? Lorsqu’il est entre tes doigts, on entend ton âme chanter.

Markos

Tu sais, c’est tout ce qu’il me reste de chez nous. Dans un soupir. Je veux que tu le gardes…

Alékos, ému

Ne dis pas ça, Marko. Un temps. Cette blessure n’est rien pour quelqu’un comme toi.

Markos, agonisant

Non, ils m’ont tiré dans le dos, les chiens… Ma vie s’en va et ne revient pas. Silence. Reste avec moi… Je sens qu’elle vient m’emporter… Mon heure est arrivée… Dans un dernier sursaut. N’oublie pas mon baglama !

Il s’éteint dans les bras d’Alékos. Ils restent tous silencieux devant cette scène. Alékos lui ferme les yeux.

Alékos

Je ne t’oublierai jamais mon frère.

Tous

Axios !

Ils lèvent le corps de Markos et quittent lentement la scène. On entend la chanson de Kaplani : un voyou est mort. Obscurité.

Une lumière blafarde de la taverne éclaire Alékos prostré. Sur la table se trouve un baglama et une bouteille de retsina renversée .Roza entre à pas lents et s’approche de la table d’Alékos. La peine se lit sur son visage.

Roza, qui tient Alékos

Ne reste pas ainsi, mon amour. Un temps. Tu n’es pas seul. Silence. Tu n’es pas responsable de sa mort.

Alékos

S’il est mort, c’est parce que j’ai donné ma parole !

Roza

Mais tu as sauvé Thanassis !

Alékos

En condamnant de Markos !

Roza, en l’entourant

Tu ne pouvais pas savoir que c’était un piège.

Alékos

Il est mort, tu comprends il est mort. Tout le reste n’a plus aucune importance. Silence. Il était un morceau de ma vie et ces chiens l’ont lâchement assassiné. Silence. Markos était un hymne à la vie. Son rire effrayait même la mort. Mais ils l’ont eu, les traîtres, et elle en a profité, la faucheuse.

Roza

Ne parle pas ainsi, Alékos.

Alékos

Mais alors que faire ? Silence. Markos n’avait jamais rien fait de mal. Sa vie c’était le rébétiko, son âme le baglama. Il prend l’instrument dans sa main. C’est tout ce qu’il me reste de lui. Silence. Ils m’ont volé mon passé et condamné mon futur.

Tous les autres font irruption dans la taverne qui change alors de couleur…

Michalis, en s’adressant à Alékos

Que comptes-tu faire, Aléko ?

Alékos

Il n’y a rien à faire… Un temps. Markos est mort !

Aris

Mais ils l’ont abattu comme un animal…

Vassilis

Ils ne lui ont laissé aucune chance !

Michalis

Il a forcément été trahi : Nous ne savions même pas qu’ils allaient vous laisser sortir alors qu’ils avaient déjà préparé leur embuscade.

Alékos

C’est ma parole qui a causé sa mort !

Thanassis

C’est faux ! Ta parole a sauvé ma vie !

Aris

Thanassis a raison : tu n’es pas coupable.

Alékos

Je suis responsable de sa mort. Silence. Je ne le désirais que deux jours de vie mais si j’avais su que c’était pour voir la mort de mon frère, j’aurais préféré que l’on m’exécute sur-le-champ.

Michalis

Cela n’aurait rien changé. Le traître aurait tout de même parlé : Markos était condamné.

Vassilis

Je ne peux pas croire que l’un des nôtres ait pu le trahir.

Aris

C’est forcément un homme de son groupe !

Vassilis

C’est impossible…

Aris

C’est pourtant la seule explication !

Vassilis

Ce serait indigne de l’un d’entre nous.

Aris

Face à la torture, les hommes perdent facilement leur dignité.

Alékos

Les hommes, oui, mais pas un chacal !

Thanassis

Alékos a raison : nous sommes faits pour vivre sans obéir.

Michalis

C’est d’ailleurs possible que tout cela ne soit qu’un complot de plus de ces chiens pour nous inciter à nous entre-tuer.

Alékos

Que ce soit un complot ou pas, c’est sans importance ! Un temps. Avec la mort de Markos, l’aube sera noire ! En frappant du poing sur la table. Tout le monde aimait Markos. Ses chansons étaient une joie pour nos âmes.

Tous, en acquiesçant

C’est vrai !

Alékos

Et pourtant, c’est lui qu’ils ont abattu, ces chiens.

Vassilis

Comme s’ils voulaient plonger notre vie dans l’obscurité… Mais nous résisterons, Aléko !

Alékos, en lui tenant l’épaule

J’en suis sûr, Vassili, car toi aussi tu es un fils du rébétiko. Cependant pour moi…

Thanassis

Quoi donc, Aléko ?

Alékos

Cette douleur ne pourra jamais s’effacer et cette obscurité jamais ne s’éteindra.

Roza, en s’approchant de lui

Ne souffre pas ainsi, Aléko.

Alékos

Et comment faire autrement ? Tu le sais bien, je n’ai jamais eu peur de rien. Seulement, cette fois, c’est la mort d’un ami. Tu entends ? Markos, mon ami d’enfance ! À présent, il est seul, sans son baglama, abandonné de tous ! Et je ne le veux pas ! Je ne veux pas qu’il reste seul : je rejoindrai le plus tôt possible !

Roza, désemparée

Non, Aléko ! Tu n’as pas le droit ! Ne nous laisse pas…

Aléko est sur le point de les quitter mais au même instant on entend une voix de femme qui l’appelle de l’extérieur.

Voie de la mère de Markos

Aléko ! Un temps. Aléko, mon enfant !

Roza, qui ne reconnaît pas la voix

Qui est-ce ?

Alékos

C’est la mère de Marko… Un temps. Puis s’adressant à la voix. Je suis ici !

Une femme, tout de noir vêtue, entre dans la taverne. Elle détache son fichu noir et se précipite dans les bras d’Alékos.

Mère de Markos

Aléko, ils ont tué mon enfant ! Mon Marko !

Alékos, en l’entourant, tente de la consoler mais il est lui-même ému par cette perte et par cette mère en larmes.

Alékos

Sois courageuse, femme !

Mère de Markos

Pourquoi l’ont-ils tué ? Un temps. Pourquoi lui ?

Alékos

Sa joie de vivre était une insulte à la face de ces chiens.

Mère de Markos

Mais il n’était qu’un chanteur ! Un joueur de baglama ! Était-ce mal, Aléko ?

Alékos

Il chantait pour nous, il jouait pour le peuple. Son art était contestataire…

Mère de Markos

Comment les larmes de son baglama pouvaient-elles être contestataires ?

Alékos

Ses textes étaient interdits, sa musique censurée.

Mère de Markos

Je ne comprends rien, Aléko, était-il indigne pour cela ?

Alékos

S’il leur semblait nuisible, c’est que Markos, malgré l’occupation, malgré les arrestations, malgré les tortures, demeurait une lueur d’espoir pour nous autres. Un temps. Sa vie soutenait nos âmes !

Mère de Markos

C’est pour cela qu’ils l’ont tué, comme s’il était une malédiction ?

Alékos

L’espoir du peuple est une malédiction pour les oppresseurs. Un temps. Ils ne peuvent vivre que dans l’obscurité la plus complète. Rien ne doit éclairer leurs actes.

Mère de Markos

Mais c’est insupportable, Aléko, ils ont tué un innocent ! Ils ont tué mon Marko !

Alékos

Ne laisse pas le désespoir t’envahir !

Mère de Markos

Aléko, je veux mourir !

Alékos

Tais-toi !

Mère de Markos

C’est pour cette raison que je suis venue te voir. Un temps. Il n’y a que toi qui puisses m’aider !

Alékos

Que dis-tu, pauvre femme, tu as perdu la tête ? Tu veux que je te libère de la vie ?

Mère de Markos

Oui, Aléko, je ne veux plus vivre. Ce monde est devenu un désert pour moi. Et tu es la seule personne qui puisse me comprendre. Alors je t’en supplie, aide-moi à mourir !

Alékos, révolté

Jamais, tu entends, jamais ! Un temps. Ton fils est mort dans mes bras. En levant les bras. Ces bras ont tenu sa mort ! Et tu veux à présent qu’ils s’abattent sur toi pour te libérer ? Comment pourrais-je le faire ?

Mère de Markos

Par amour, Aléko, et par compassion ! Prends pitié d’une pauvre mère qui a perdu son fils unique. Un temps. Je t’en prie, Aléko !

Alékos, hors de lui

Tu n’as pas le droit de me demander cela ! Je suis l’ami de ton fils et la mort n’y changera rien : nous sommes des frères de sang. Jamais je ne pourrai tuer ma propre mère…

Mère de Markos, qui tombe dans ses bras

Pardon, Aléko ! Pardon, mon fils !

Alékos la serre dans ses bras comme pour la protéger de tous les malheurs du monde.

Alékos

Désormais, je serai le futur de Markos. Un temps. Sa mort ne sera pas vaine. Silence. Puis en la prenant par la main. Viens, nous rentrons à la maison.

Roza, en prenant l’autre main de la mère

Je vous accompagne.

Sous le regard silencieux des autres, ils sortent tous les trois ensemble.

Vassilis

Nous devons faire quelque chose !

Michalis

C’est certain, mais quoi ?

Thanassis

Pourquoi sommes-nous toujours seuls ? Pourquoi la société nous en veut-elle ?

Aris

Parce que nous existons et que cela lui est insupportable.

Vassilis

Ainsi nous sommes condamnés à notre naissance…

Aris

Nous sommes nés au crépuscule, entre chiens et loups.

Vassilis

À présent, nous ne pouvons plus nous contenter d’exister, nous devons agir pour exister.

Michalis

Alors entrons dans les mouvements de résistance…

Aris

C’est inutile, nous sommes déjà une résistance en soi. Un temps. Nous avons toujours résisté à tout et pas seulement au pouvoir : nos chansons, notre musique, notre vie et notre mort sont une résistance.

Michalis

Mais nous ne sommes pas une organisation…

Thanassis

Nul besoin d’organisation, nous serons notre action.

Aris

Oui, c’est une question d’honneur ! Markos était innocent !

Thanassis

Qu’importe la loi si elle s’autorise de tuer l’innocence.

Vassilis

Nous devons trouver celui qui a ordonné l’assassinat.

Michalis

Et ensuite ?

Aris

Le droit humain agira !

Obscurité.