209 - Une question de temps

N. Lygeros

Deux amis sont dans un théâtre antique.

Rémi : En regardant en bas dans le vague. Cela fait plusieurs jours que je souhaite te parler. Un temps. Cependant j’hésite, je ne sais par où commencer.

Yoan : L’important c’est de commencer, le reste viendra avec le temps.

Rémi : Il s’agit précisément du temps. Je n’arrive pas à le saisir.

Yoan : Le temps est l’élément essentiel du monde. Comment l’entendement humain pourrait-il le saisir au cours d’une seule vie ?

Rémi : En regardant Yoan. Tu comprends chacun de nos gestes est immergé dans le temps et ne peut être défini qu’à travers grâce au passé et au futur.

Yoan : C’est vrai que le temps règle notre vie. Elle n’a de sens qu’en lui.

Rémi : En montrant une direction. Lorsque nous marchons dans une direction nous percevons notre mouvement grâce aux autres directions.

Yoan : A présent, je vois où tu veux en venir. Le temps est unique ! Ainsi tout bouge avec lui. Tout se meut…

Rémi : Alors justement comment faire pour percevoir le temps si tout le monde évolue sans cesse.

Yoan : Comment percevoir que nous vieillissons à travers le temps ?

Rémi : En baissant à nouveau la tête. C’est cela qui me préoccupe depuis plusieurs jours et je voulais en parler à un ami.

Yoan : Pourquoi à un ami ? Tout interlocuteur intelligent conviendrait à cette tâche.

Rémi : Et pourtant seul un ami est capable de voir le temps s’écouler dans le regard de l’autre.

Yoan : Tu le penses vraiment ?

Rémi : En le regardant. Oui car l’amitié devient plus forte avec le temps et cette relation enrichit les hommes.

Yoan : Tu as sans doute raison. Un temps. Mais ne représente-t-elle pas du même coup un risque ?

Rémi : Surpris. Comment le pourrait-elle ?

Yoan : Par l’attachement !

Rémi : Mais la beauté de l’amitié provient de cet attachement. Même si cela représente un risque, l’amitié en vaut la peine.

Yoan : Comment désirer un sentiment voué à l’échec ?

Rémi : Comme on désire vivre. Silence. La vie mérite d’être vécue car elle est inutile. Le propre de l’homme n’est-il pas de vivre l’inutile ?

Yoan : Quelle étrange définition !

Rémi : Et pourtant c’est la seule. Car l’apparente inutilité donne un sens à sa vie.

Yoan : Ainsi dans un monde absurde, seul l’inutile a un sens. Un temps. Et quel est le sens de l’absurde ?

Rémi : C’est celui que lui donne la compréhension humaine du monde. Le monde, tel qu’il est, est absurde. Seulement, seul l’homme en a conscience.

Yoan : C’est pour cela que la conscience fait tant souffrir… Silence. Cependant c’est une nécessité pour l’homme.

Rémi : Et il en est de même pour l’amitié.

Yoan : Seulement nous avons le choix pour l’amitié, pas pour la conscience.

Rémi : Cela n’est pas évident… Un temps. Car l’amitié a, elle aussi, parfois un caractère inéluctable. Comme si certains êtres avaient été créés pour être des amis.

Yoan : Et pourtant ce choix demeure.

Rémi : Alors c’est justement dans ce choix que l’on retrouve la notion de danger et celle de beauté.