2026 - Génocide et Héroïsme

N. Lygeros

Pour commettre le génocide des Arméniens, le régime turc a tenté de les déshumaniser comme le fit par la suite le régime nazi contre les Juifs afin d’éviter la critique d’un massacre humain. Cette procédure ne nous étonne guère de la part d’un système barbare qui considère ses ennemis comme des sous-hommes. Cette approche a néanmoins d’autres conséquences qui sont plus subversives et qui enveniment les relations intra et extra communautaires. Une des plus négatives de ces conséquences, c’est la formation d’un complexe d’infériorité généralisé. Bien souvent, au cours de nos interventions ou discussions nous entendons des Arméniens dire que personne ne peut lutter contre la barbarie du régime turc et que l’existence du génocide en est la meilleure preuve. Cette approche est inconsistante non seulement en termes stratégiques mais aussi psychologiques. Considérer que les Arméniens sont moins puissants que les Turcs, c’est une forme d’auto-racisme. Les Arméniens ne sont pas nés pour être les victimes des Turcs. La civilisation arménienne n’avait pas pour but de devenir un cas exemplaire de victime. L’Arménien n’était pas une victime mais un innocent. Le complexe d’infériorité développé par plusieurs d’entre nous provient entre autres d’un manque culturel en termes historiques. Le Génocide lui-même n’est pas une simple litanie d’agneaux qui le régime turc menait à l’abattoir. Il y a eu des mouvements de résistance et ce n’est pas parce que ces mouvements étaient désespérés qu’ils n’avaient pas de valeur. Comme nous ne demandons pas à toute une population d’être résistante, nous ne pouvons demander à tous les combattants d’être des héros. Aussi il est naturel que les résistants soient peu nombreux et les héros rares. Néanmoins les actes d’héroïsme existent et ils représentent aussi la preuve de la valeur du peuple arménien. Et beaucoup plus récemment encore, les Arméniens ont prouvé par la valeur de leurs combattants qu’ils n’avaient rien à démontrer en termes de valeur humaine. Si le Génocide a exterminé tant d’Arméniens ce n’est pas parce qu’ils étaient inférieurs en qualité ou qu’ils ne se sont pas défendus efficacement. La raison principale c’est que les Arméniens étaient des civils. Ils n’étaient ni des guerriers ni des hommes dans les services secrets militaires. Les évènements se sont enchaînés dans l’incompréhension en raison de la plus totale des désinformations. Malgré cela les poches de résistance ont existé et c’est malheureux de constater combien elles sont méconnues parmi nous. Pour mener un combat même si ce dernier est celui de la paix via la reconnaissance et le processus de réparation, le peuple arménien et ses enfants doivent avoir des repères, des exemples et des modèles. La culture arménienne est chargée d’histoire mais qui se charge de l’apprendre à nos enfants ? Il ne suffit pas de leur parler des victimes. Ils doivent connaître les innocents et les justes, les résistants et les héros. Nous devons lutter contre ce complexe d’infériorité par tous les moyens car il est extrêmement nuisible à la cause. Cela permettra entre autres de voir dans les anciens combattants de luttes plus récentes, des continuateurs de l’héritage historique arménien et non seulement des hommes considérés comme dépassés par les évènements, par des individus qui ne savent mener un combat.