1805 - Le point de vue chypriote sur le Mémorial

N. Lygeros

Via les informations fournies par nos soins, le quotidien national chypriote mentionne pour la première fois à Chypre, la problématique du mémorial lyonnais pour le génocide des Arméniens. Ainsi, l’île de Chypre a pu constater qu’elle n’était pas l’unique victime de la propagande turque. Ce qui est intéressant dans cet article, ce ne sont pas les informations mais l’interprétation et le cadre de la réflexion. Il nous faut préciser pour des lecteurs non chypriotes que le génocide des Arméniens a été reconnu par Chypre depuis de nombreuses années aussi le cadre et le contexte sont tout à fait favorables à la cause arménienne. Le désagrément, selon les termes du quotidien, causé par l’érection du Mémorial auprès de Turcs nationalistes, est replacé dans le champ des négociations pour l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. Le point de vue chypriote reprend le flambeau de la cause arménienne puisqu’il considère que c’est un droit pour les deux millions d’Arméniens qui vivent au sein de l’Union Européenne d’exiger auprès de la Turquie de reconnaître le génocide et que ceci doit être un préalable à toutes négociations. Ceci doit être particulièrement mis en avant comme argument car il touche le peuple chypriote en plein cœur. En effet il ne faut pas oublier que la population chypriote est inférieure au million de personnes. Ainsi, la remarque acquiert un autre sens dans le cadre européen puisque cette population représente un état membre alors que la population arménienne représente plus du double sans pour autant avoir un droit équivalent. Aussi le point de vue chypriote, même s’il reprend une argumentation arménienne, renforce la revendication puisqu’il considère que le nombre des Arméniens est amplement suffisant pour avoir l’autorité d’une nation même s’ils n’en ont pas le droit en termes institutionnels. Cela prouve aussi l’importance du rôle de la diaspora vis-à-vis de l’Arménie puisque la diaspora européenne peut intervenir de plein droit dans la problématique des négociations. Il est donc tout à fait naturel pour Chypre dont le statut en tant qu’état-membre de l’Union Européenne, est contesté par la Turquie, de considérer l’Arménie via la cause arménienne comme un état allié. Comme Chypre a des disparus, des enclavés et des réfugiés à cause de l’invasion de 1974, il n’est pas nécessaire de la convaincre du bien-fondé de la cause arménienne. Il est donc naturel que le quotidien national n’hésite pas à mentionner les troubles à l’occasion de l’érection du Mémorial même si pour certaines personnes le Mémorial pouvait être qu’un problème local. Le point de vue chypriote prouve qu’il s’agit bien d’un problème global à répercussions locales. Aussi nous devons convaincre même les plus indécis ou les plus tièdes d’entre nous, de réagir de manière organisée et concrète face à ce type d’agression. De la manifestation à la profanation il n’y avait qu’un pas et il a été franchi. De la profanation à la destruction, il n’y a aussi qu’un pas. C’est donc à nous que revient le rôle de la défense.