1310 - Feedback et conscience

N. Lygeros

Sans être précisément et purement un processus cognitif, le feedback n’en est pas moins une forme élémentaire de conscience ou du moins une première étape vers celle-ci. En nous plaçant dans le cadre du système, nous prenons conscience que le feedback n’est pas un processus élémentaire dans le sens où il n’est pas interne. Le feedback interagit principalement avec ce que nous considérons comme l’environnement du système. S’il était restreint à ce dernier, il n’aurait tout simplement pas d’intérêt si le système est irréductible. Pour comprendre l’évolution du système dans son environnement, il est nécessaire d’exploiter les mesures effectuées par la procédure de feedback. Via le modèle du système et l’estimation qui est faite par ce premier, le feedback permet de corriger la trajectoire effective et de recalculer la nouvelle trajectoire effective et de recalculer la nouvelle trajectoire théorique optimale. Le système n’évolue pas seulement, il s’autorégule via le feedback et de cette manière il teste l’adéquation du modèle avec la réalité. C’est dans ce sens que nous considérons que le feedback est le médium de la réalité par le système. D’un point de vue cognitif, le système ne pense pas seulement, ou du moins il ne calcule pas seulement, il dit qu’il calcule, qu’il sait qu’il pense, en d’autres termes il peut potentiellement évoluer vers penser qu’il pense, ce que nous considérons comme la définition dynamique de la conscience. La pensée sur la pensée nécessite évidemment un second changement de phase critique quant à la nature calculatoire de l’entité considérée. Il est certain que si la masse calculatoire est faible, il est impossible qu’elle engendre un changement de phase malgré tout ce dernier est nécessaire si nous voulons atteindre un cadre cognitif de la perception non seulement de la réalité mais aussi et surtout de sa propre entité. Le feedback via ces caractéristiques correspond donc à un métaoutil même s’il appartient à la stratégie et non à la métastratégie comme la notion d’objectif. Entité intermédiaire le feedback établit un lien étroit entre la réalité en tant qu’environnement et le système mais pas seulement. C’est aussi un moyen pour le système d’atteindre une forme diachronique, car via le contrôle de son état, le système peut considérer comme son évolution personnelle, l’ensemble de ses états successifs. En intégrant la chaîne temporelle dans le système, celui-ci appartient désormais à un espace avec une dimension supplémentaire. Le système n’est donc pas synchronique et peut voir son contexte augmenter et ce malgré le principe d’entropie, car ce dernier ne s’applique pas dans un cadre hors équilibre. L’environnement alimente sans cesse le système avec des éléments de la réalité tangible, il ne peut donc fonctionner en mode clos et il représente même du point de vue systémique, une structure ouverte. C’est précisément pour cette raison que nous considérons le feedback comme un élément indispensable à la vie de la conscience et plus généralement à la conscience. Il devient donc par ce biais un élément cognitif élémentaire qui est nécessaire à l’élaboration d’une pensée qui a besoin d’être pensée pour appartenir à la conscience. Rabelais disait que science sans conscience n’est que ruine de l’âme, en le paraphrasant nous disons que pensée sans feedback n’est que ruine du système.