1155 - Sur une remarque d’ordre géométrique de Leonardo da Vinci

N. Lygeros

Dans l’un des manuscrits de Leonardo da Vinci qui se trouve à la Bibliothèque de l’Institut de France, plus précisément celui que la tradition nomme le G, au verso du feuillet 17 nous pouvons lire ceci :
« Le cercle qui touche les angles d’un triangle équilatéral est le triple du triangle qui touche les trois côtés de ce même triangle. »

« Le diamètre du plus grand cercle vaut les deux tiers de l’axe de ce même triangle. »

En examinant la figure associée à la première phrase du texte, nous constatons que celui-ci
pose un problème d’interprétation au niveau de l’expression « est le triple ».

Par construction, le petit triangle a une surface qui représente le quart du grand triangle.

Par construction, le petit triangle a un périmètre qui représente la moitié du grand triangle. Et le rapport avec l’hexagone qui passe par le triangle est égal 4√3. Par contre le périmètre du dodécagone suffit pour montrer l’erreur du texte (en effet 12√(2-√3)>3√3/2) car il est inscrit dans le cercle aussi ni son périmètre ni sa surface ne peuvent correspondre au texte.

De plus, il ne peut s’agir d’un problème de distance puisque ceci est précisé dans la seconde phrase. Par ailleurs l’axe du grand triangle a une longueur égale à 3/2 si le rayon du cercle est unitaire. Aussi si nous voulons respecter le rapport indiqué dans le texte, nous devons remplacer dans la seconde phrase, le mot diamètre par rayon. Et si nous voulons respecter les mots alors c’est le rapport qui doit être changé en quatre tiers.

Pour en revenir à la première phrase du texte, nous pouvons dire qu’elle met en évidence un problème plus profond qui est en relation avec la quadrature du cercle et plus particulièrement la nature de la constante π.

Si la traduction du texte est exacte, ce que nous tenterons de vérifier en examinant directement le manuscrit, alors il est vraisemblable de penser que Leonardo da Vinci ne connaissait pas la nature de π. C’est un fait historique que la transcendance de π n’a été découverte que bien plus tardivement et ce fait a permis de résoudre par la négative la quadrature du cercle. Cependant le fait que Leonardo da Vinci compare des valeurs créées par le cercle d’une part et par les triangles d’autre part, met en évidence une confusion d’ordre algébrique. Puisque le périmètre et la surface dépendent de π.

Enfin même s’il s’agissait d’une erreur de traduction et d’interprétation du texte original de Leonardo da Vinci, ce problème est un indice qui permet de voir qu’un détail dans les manuscrits est susceptible d’être révélateur d’une connaissance profonde.