1062 - Facil cosa è farsi universale

N. Lygeros

Pour être universel, il suffit de vouloir l’impossible penseront certains, mais ce n’est que nécessaire. Il faut bien plus que cela. Il faut réaliser l’impossible comme s’il ne s’agissait que de l’unique but de la vie. Sans compromis et sans regrets, quitte à avoir des remords. Sinon comment supporter l’insupportable légèreté de l’être quotidien qui se croit humain sous prétexte qu’il existe. Et même s’il parvient à vivre ce n’est que par le sacrifice qu’il devient humain. Cependant, cet aspect est sans doute trop humain pour la plupart aussi il en devient monstrueux. Car comment pourrait-il en être autrement pour quelqu’un dont les évènements sont ses pensées ? Comment pourrait-il en être autrement pour un créateur d’univers ?

Il est difficile d’imaginer un homme sur l’effet de bord et pourtant c’est le seul qui soit capable de transformer le présent en avenir. C’est ainsi que nous imaginons Léonard de Vinci. Cet homme qui n’était ni académicien, ni universitaire, mais seulement génie universel. Combien de personnes pour un seul homme de son envergure. Ses adversaires disaient de lui qu’il était sans culture, qu’il n’était qu’un touche-à-tout. Désormais nous ne connaissons même plus le nom de ceux-ci. Le torrent a emporté la boue et il ne nous a laissé que l’éclat du solitaire. Ses écrits n’ont pu transformer son époque mais ils ont déformé le temps de l’humanité. Redécouverts des siècles après leur écriture, ils n’ont pu que confirmer l’universalité de leur créateur. Il est vrai que pour un homme comme lui, il était facile de devenir universel. Seulement combien de personnes auraient lu cette phrase de sa main sans penser qu’il était outrecuidant. Face à l’absurde de la vie, les êtres quotidiens recherchent un Caligula afin de pouvoir exulter en dénonçant sa démesure sans saisir la puissance de cet homme devenu héros camusien. Il y a bien-sûr de l’extrême, dans le caractère de Léonard de Vinci mais comment pourrait-il en être autrement pour un homme de cette trempe, pour un Achille, devenu Ulysse et métamorphosé en Prométhée. Cet homme de paix n’a cessé d’inventer la matière de la guerre et certains cherchent à le stigmatiser. Toutefois ce paradoxe loin d’être apparent est nécessaire pour qui comprend la nature polémologique de la paix et l’aspect caméléonien de la guerre. Léonard de Vinci était à la frontière de la paix, au front de la guerre afin de lutter contre l’obscurantisme omniprésent. Car pour des hommes tels que lui, l’obscurité n’est qu’une entité à déplacer, une matière première pour la lumière. Dans son atelier, il y avait certes de l’ombre mais c’était celle qu’il modelait pour créer de la lumière. Tout entier consacré à son oeuvre dont les dimensions nous semblent encore inconnues, il s’est très peu exprimé de son vivant du moins dans le sens où l’entend la société. Pour notre part il s’est contenté de dire l’essentiel du bout des lèvres sous la forme d’un sourire.