1015 - De l’esprit des lumières aux droits de l’Homme

N. Lygeros

Lorsque nous contemplons avec effroi les sombres apports du vingtième siècle, nous pouvons nous étonner de la distance qui nous sépare du siècle des lumières. Ce siècle qui est temporellement proche de nous semble si distant dans le domaine des droits de l’homme. Il faut dire que l’apparition des génocides est venue ternir une image quelque peu artificielle certes mais dont le substrat n’était pas dénué de sens. La foi en l’homme, le crédo humaniste est toujours d’actualité mais blessé par des tragédies comme l’Holocauste, il doit reprendre son souffle afin de renaître dans un esprit sans doute plus prométhéen. Car ces tragédies ont montré que l’humanisme sans audace ne peut conduire dans le meilleur des cas qu’à la notion de martyre qui en dehors de son aspect religieux ne peut être considéré comme un moyen efficace de lutter pour une cause.

Les actions humanitaristes tiennent plus de la nécessité et de l’urgence que de la grandeur de l’esprit des lumières. Elles ne semblent bien souvent qu’un pis aller devant l’incapacité à lutter contre des structures étatiques ou privées dont la puissance ne provient que de la négation humaine. De manière plus générale, l’institutionalisation des organisations non gouvernementales a permis aux états de gérer celles-ci comme un paramètre intégré et parfaitement contrôlable. Et dans ce sens, elles ont été pour ainsi dire déshumanisées car mises hors contexte. C’est pour cette raison que nous considérons qu’elles sont bien en deçà de l’esprit de la lettre mais aussi qu’elles sont devenues exploitables par le terrorisme comme arme de guerre. Car le comble pour elles, c’est d’être exploitées de cette manière en raison de leur incapacité à être une arme de paix. Une autre preuve de cette déchéance sur le plan stratégique, c’est le rôle minime pour ne pas dire inexistant que détiennent les droits de l’homme dans le domaine géopolitique. Nous pourrions même dire qu’au contraire en diplomatie les droits de l’homme ne représentent bien souvent qu’un prétexte à un stratagème sournois créé dans le but d’extorquer aux hommes leur unique richesse à savoir leur temps.

Les droits de l’homme ne peuvent se contenter d’être cela sinon ils finiront par perdre complètement leur sens dans un monde qui les dénigre. C’est uniquement en revenant à leur source qu’ils pourront renaître de leurs cendres. Mais cela ne peut être obtenu que par l’efficacité de l’action. C’est justement cette efficacité qui fait toute la différence sur le plan stratégique. L’obtention de résultats concrets là où des organisations gouvernementales en sont incapables, c’est la seule manière de se faire respecter dans un domaine où la moindre faiblesse est exploitée de manière outrancière. C’est dans la capacité à réaliser leurs visions que les droits de l’homme doivent compter. Car quelle est la valeur d’un rêve s’il ne donne pas vie à la réalité ? L’action humanitaire à travers l’esprit des lumières doit retrouver l’audace prométhéenne si elle désire vraiment aider l’humanité. Dans tous les autres cas, elle ne sera que le pantin désarticulé de joueurs diplomatiques qui n’auront aucun scrupule à l’utiliser de manière détournée à leurs fins et surtout contre les principes de l’esprit des lumières.