980 - La vision politique de Constantin Carathéodory

N. Lygeros

Si nous considérons l’exemple de Constantin Carathéodory comme une vision politique c’est qu’il s’est engagé à maintes reprises alors que sa situation ne l’y obligeait en aucune sorte. Par ailleurs, il peut être considéré comme un exemple générique de grec dans le sens large du terme. En effet comme il n’est pas né en territoire grec, comme il n’a pas fait ses études ni secondaires ni supérieures en Grèce, il n’a pas pu subir une influence directe de la part de l’institution étatique. Son esprit s’est développé dans un cadre cosmopolite d’une part et européen d’autre part. Aussi sa présence intellectuelle est d’autant plus d’actualité à notre époque. Il n’a jamais considéré la Grèce dans le sens nationaliste du terme mais toujours dans celui de l’esprit. Sa culture et sa science sont interprétables comme la continuité d’un esprit qui va bien au-delà des contraintes territoriales conventionnelles. Et il en est de même de sa vision de la grécité. Alors il ne faudrait pas l’apparenter à la catégorie des Phanariotes mais celle de Rigas Velestinlis ou des fondateurs de la Société Amicale. Sa pensée indépendante capable d’avoir une vision globale de la réalité de son siècle lui a permis de transcender les positions sclérosées de certains qui ont peu à peu conduit la Grèce à ce que nous nommons à présent la grande catastrophe. Dans son esprit être grec c’est avant tout participer à la culture grecque. Et dans ce sens on ne naît pas grec, on le devient. Il est évident que cet état d’esprit est généralisable et ne prend corps que via l’œuvre créée. L’oeuvre de Carathéodory est incontestable et ce, sur un vaste domaine des mathématiques, mais pas seulement. Car son apport intellectuel ne peut être réduit à cela. Sa vision politique, au moins dans le domaine de l’éducation a laissé des traces concrètes dans la structure de l’enseignement grec universitaire. Cependant son étrangeté ne provient pas de cela. C’est son engagement entier et sans concession dans la création de l’Université de Smyrne alors qu’il était professeur en Allemagne qui provoqua le plus grand étonnement pour ceux qui ne connaissaient ni son œuvre ni sa mentation. Dans cette tâche, il a considéré son rôle comme un devoir de mémoire et une nécessité. Il était impenssable pour Constantin Carathéodory de laisser à l’abandon cette ville phare dans la culture grecque. Il ne s’agissait pas d’une approche nationaliste mais seulement culturelle. Pour lui, il n’était pas nécessaire que l’état grec soit présent mais que sa contribution culturelle serve d’exemple, était fondamental à ses yeux. Car dans son esprit, la nécessité se situe au niveau de la pensée grecque telle que nous la considérons en France via l’apport de l’Antiquité. Et c’est dans ce sens qu’il fait partie des grands continuateurs de l’évolution de la diachronie grecque. Sa vision bien que révolutionnaire pour les données de l’époque sert le même schéma mental qui caractérise la grécité telle qu’elle a pu être comprise par des hommes comme Victor Hugo.