97 - Le précurseur de la révolution

N. Lygeros

De façon diachronique nous sommes les petits fils de l’Antiquité, les fils de Byzance et les enfants de la Révolution. Cependant parmi les anciens modèles celui qui semble le plus proche de notre époque c’est 1821. Il est vrai que notre pays n’a plus ni la taille de l’empire d’Alexandre ni celle de l’empire byzantin. L’histoire nous a privés de ces grandeurs passées et c’est sans aucun doute pour cette raison que notre mémoire s’est enrichie. Ainsi que l’a montré APHΣ ΦAKINOΣ (1935-1998) elle est le patrimoine essentiel de notre existence.

A l’époque de la Révolution notre pays était réduit par la force des choses à sa plus simple expression du point de vue territorial, et cela constitue un point d’attache et même un amer pour nos modèles historiques. Soumis et vivant dans la misère et pourtant, insoumis et rêvant de liberté. Voilà les éléments fondamentaux de ceux que nous nommons héros nationaux. Mais ce dernier terme est abusif. En effet si nous les caractérisons ainsi c’est justement parce qu’ils ont su dépasser les frontières classiques et atteindre d’une certaine façon des notions universelles comme celle d’abnégation, de courage et de liberté.

L’un de ces héros qui résume en lui ces idées c’est PHΓAΣ ΦEPAIOΣ (1757-1798). Né à BEΛEΣTINO, écolier à ZAΓOPA, maître à KIΣΣOΣ , klephte à OΛYMPOΣ , étudiant à Bucarest, fervent admirateur de la révolution française, conscient de la puissance de la diaspora grecque et des forces montantes dans la patrie soumise, il entreprit, grâce à ses poèmes et ses livres, une véritable révolution intellectuelle qui comportait en elle tous les constituants essentiels de la Révolution de 1821. Son oeuvre engagée et novatrice lui fut fatale : arrêté et torturé à Belgrade, il fut jeté mort dans le Danube.

Parler et écrire sur PHΓAΣ ΦEPAIOΣ n’est pas seulement un devoir de mémoire c’est avant tout la prise de conscience des racines de notre modèle historique, de notre référence existentielle. Car comment imaginer la Grèce contemporaine sans la Révolution de 1821, si ce n’est sous le joug ottoman, accompagnée d’une lamentation commencée le 29 mai 1453 ?

Nous ne commémorons donc pas uniquement le bicentenaire de la mort injuste de PHΓAΣ ΦEPAIOΣ, nous nous rappelons d’un précurseur à qui la Romanie, quand elle refleurira, devra son existence et surtout son essence.