816 - Quand le cynisme fait loi

N. Lygeros

Au moment des évènements de 1955 le Manchester Guardian déclarait :

« Il fallait en pendre un millier ou pas du tout car il ne faut pas créer des martyrs. » Il est vrai que l’Angleterre s’est contentée de pendre seulement neuf résistants chypriotes aussi on ne peut l’accuser de massacre ou de génocide. Cependant ce geste sanglant est suffisamment révélateur de l’approche diachronique anglaise du problème chypriote. On ne peut pas l’accuser non plus d’avoir envahi l’île de Chypre puisque celle-ci lui a été vendue par la Turquie en 1878. Cependant acheter une terre sans le consentement de sa population est déjà criminel en soi. On ne peut pas l’accuser non plus d’avoir refusé l’aide chypriote au moment de la seconde guerre mondiale puisque 30.000 chypriotes ont lutté pour la liberté des peuples. Cependant accepter le sacrifice des uns n’a eu aucune implication sur l’action des autres car sous prétexte de nécessité militaire, ils n’ont rien concédé aux demandes pourtant justifiées des chypriotes à l’auto-disposition.

A présent, les Anglais qui continuent à considérer l’île de Chypre comme leur dernière colonie en Europe, tentent de convaincre les émissaires européens que les chypriotes devraient accepter le plan Annan pour le bien. Seulement pour le bien de qui précisément ? Pour le bien des bases militaires anglaises qui ne se trouvent même pas à la frontière d’un prétendu conflit interne ? Pour le bien de la géostratégie anglaise en mer méditerranée orientale ? Pour le bien des pays du Moyen-Orient qui seraient mieux écoutés par les services secrets anglais ? Pour le bien des gardiens de la paix anglais qui sont grassement payés en raison de la nécessité de l’éloignement de leur foyer ?

Nous hésitons à répondre à ces multiples apories car le choix final est sans importance. Un peuple selon la charte des Nations Unies a le droit de se gouverner seul. Le peuple chypriote ne veut pas de ce plan injuste et le président de la démocratie chypriote l’a annoncé publiquement. Alors pourquoi tant d’efforts de la part des Anglais pour convaincre d’autres pays européens du bien-fondé de leurs positions ? Chypre n’est plus une ancienne colonie anglaise, c’est un futur état membre de l’Union Européenne.