480 - La cabane du monde

N. Lygeros
Traduit du Grec par l'auteur

Pétros

Tu es venu quand ?

Photis

Hier.

Pétros

Tu viens toujours un jour avant ?

Photis

Chaque fois que c’est nécessaire. Un temps. Elle est donc ici taliberté.

Pétros

Oui, sur la mer-lac.

Photis

Et avec toi la solitude …

Pétros

La solitude est partout… Seulement ici elle se voit mieux.

Photis

Ici les âmes sont ouvertes comme des blessures.

Pétros

Nous sommes au large. Un temps. Tu sais, même les gens deMissolonghi qui regardent chaque jour nos cabanes ne peuventsentir…

Photis

La caresse de la mer.

Pétros

Oui! Toi comment le sais-tu ?

Photis

Autrefois, moi aussi j’étais ici.

Pétros

Il avait raison… Photis sourit sans dire un mot. Si je ne vivaispas sur la mer…

Photis

La terre te blesserait.

Pétros

Le sang qui s’est déversé sur cette terre l’a rendue plus dûre que la mort.

Photis

C’est pour cela que les maisons sont si basses.

Pétros

Elles vivent du sang de la terre… Chaque maison se souvient de ceque les hommes oublient.

Photis

Et toi ici ?

Pétros

Je suis une pierre qui flotte sur la mer.

Photis

Ta pierre est sacrée.

Pétros

Ne crois pas cela … Un temps. C’est ici que m’a jeté la vie,et c’est la caresse de la mer qui m’a retenu.

Photis

Les caresses de la liaison.

Pétros

Les liens de la paix.

Photis

Quand as-tu décidé de rester dans cet endroit ?

Athanassia

Je ne m’en souviens plus. Un temps. C’est comme si j’étais néeavec cette décision.

Photis

Ici le monde se lève.

Athanassia

Pourquoi dis-tu cela ?

Photis

Car nos ancêtres ont fait ce qu’il fallait.

Athanassia

Il doit faire nuit pour que le jour se lève.

Photis

Cet endroit a donné tant d’âmes.

Athanassia

C’est vrai.

Photis

Chaque visiteur lui doit un morceau de son âme. Silence. Cetendroit s’est fait dans le feu et dans le combat.

Athanassia

Et pourtant, combien sont nombreux ceux qui ne voient que l’eau et lapaix.

Photis

Ce sont les cadeaux de leur sacrifice : la mer de la lave, la mort ducombat.

Athanassia

As-tu jamais vécu ici ?

Photis

Je suis passé une fois il y a longtemps de cela.

Athanassia

Mais quand donc ?

Photis

Les siècles précédents.

Athanassia

Tu parles comme Iannis.

Photis

Iannis n’est pas encore vieux.

Athanassia

Je ne sais jamais quand tu plaisantes.

Photis

Tout est un mensonge.

Athanassia

Mais semble si réel.

Photis

Seules les pensées sont vraies et elles n’appartiennent pas seulement à ce siècle.

Athanassia

Un monde entier vit en toi.

Photis

Il n’en existe pas d’autre.

Athanassia

Pourquoi je ressens que tu nous connais depuis longtemps ?

Photis

Ta jeunesse a été baignée dans la mer-lac, le petit lac de l’océan.

Athanassia

Ton monde est une blessure…

Photis

Vos blessures sont mon monde.

Athanassia

Combien de larmes pour une caresse ?

Photis

Autant que de feux sont nécessaires pour que s’embrase la mer.

Athanassia

Le monde est une cabane sur ton océan.