4256 - Le traitement lumineux du visage chez Leonardo da Vinci

N. Lygeros

Dans la peinture de Leonardo da Vinci qui ne saurait se résumer à quelques techniques, nous avons un traitement lumineux et un soin très particulier des visages. Ce point n’est d’ailleurs pas seulement visible dans le portrait puisque le maître aime contextualiser ses personnages. Aussi analysons la remarque suivante :

« Un haut degré de grâce est conféré par l’ombre et la lumière aux visages de ceux qui sont assis sur le seuil de demeures obscures et tels que les yeux de l’observateur voient la partie sombre du visage envahie par l’ombre de cette demeure et la partie éclairée avivée par l’éclat de l’air. »

Il est clair que le maître de la Renaissance recherche une augmentation du contraste sans altérer la nature humaine de la personne observée. Cette technique permet de préciser les contours grâce à un éclairage particulier des lignes de niveaux du visage. C’est le même procédé que nous exploitons en astronomie avec le terminator de la lune.

« Par ce contraste accru d’ombre et de lumière le visage acquiert un fort relief, avec dans la partie éclairée des ombres presque insensibles et dans les parties obscures des reflets presque insensibles. »

Cette manière d’observer adoucit les traits et travaille le visage comme lorsque nous estompons i.e. nous conservons la structure initiale tout en diminuant l’intensité du gradient. Grâce à cela, il est possible de comprendre ce que signifie la grâce par Leonardo da Vinci.

« Cette représentation grâce à l’intensité accrue des sombres et des clairs confère au visage une grande beauté.»

Le contraste obtenu n’est pas classique. Le maître recherche les éléments clairs dans l’obscur et les éléments obscurs dans le clair. C’est une manière effective de retrouver le schéma mental du yin et de yang puisque même si la partition semble binaire, elle ne l’est qu’au premier abord car au second, nous saisissons le fait qu’il existe du yin dans le yang et du yang dans le yin.

« Dans les rues tournées vers l’ouest, quand le soleil est au méridien et que les murs sont si élevés que celui qui se trouve face au soleil ne renvoie pas de lumière sur les objets qui sont dans l’ombre (une atmosphère libre de toute luminosité solaire serait d’ailleurs préférable) les côtés des visages se teindront de l’obscurité des murs opposés, entre autres les ailes du nez, tandis que la partie frontale du visage dirigée vers l’entrée de la rue sera éclairée. »

Cette insistance du maître prouve l’importance du positionnement de la personne au moment de la réalisation du tableau. De cette manière Leonardo da Vinci renforce le rôle du décor qui ne joue plus seulement en tant que storia mais aussi en tant qu’outil optique de la peinture. Le personnage est donc intimement lié au cadre, sans possibilité de les séparer dans l’exécution.