341 - Sur le calcul propositionnel, un paradigme d’univers clos

N. Lygeros

Pour mieux saisir ce que nous entendons par l’expression univers clos, nous allons considérer le paradigme du calcul propositionnel. Par construction, celui-ci est défini comme un ensemble d’atomes et de formules atomiques assemblées par un connecteur unaire : la négation et des connecteurs binaires : la conjonction, la disjonction, l’implication et l’équivalence. Et comme il est facile de montrer que l’équivalence est une double implication, que l’implication est l’assemblage d’une négation et une disjonction et enfin qu’une disjonction est la négation d’une conjonction, le calcul propositionnel se ramène à deux règles. Ce n’est pourtant pas la simplicité qui confère au calcul propositionnel sa principale caractéristique.

Si le calcul propositionnel représente un paradigme dans notre théorie mentale c’est en raison de sa complétude. En effet pour toute formule, il existe un algorithme global qui permet de savoir si elle est fausse ou vraie. Cette propriété provient d’une part de la simplicité structurelle de l’objet et d’autre part de l’absence de quantificateurs. Ainsi c’est à sa faiblesse que le calcul propositionnel doit sa complétude sinon il n’aurait pas échappé au théorème d’incomplétude de Gödel. Pour traiter toute formule, il suffit de considérer son tableau de vérité. Ce dernier agit comme une canonisation qui permet de transformer tout isomorphisme en simple égalité.

Le cadre étant désormais planté, nous pouvons nous occuper d’un autre aspect essentiel à savoir l’efficacité de l’algorithme. C’est ainsi qu’en vue d’une formalisation complète de cet algorithme, les logiciens ont été amené à considérer tout d’abord le diagramme de Quine dont la complexité est inférieure à celle du tableau de vérité en tenant compte du nombre d’occurrence des différents atomes, ensuite la théorie des séquents encore plus puissante en raison de ces huit formules de type alpha et béta qui agissent comme un filtre et qui permettent soit la démonstration de la véracité d’une formule, soit l’obtention de contre-exemples, et enfin en vue d’une automatisation la méthode de résolution qui concentre toute la puissance d’une approche de type théorie des séquents dans une seule opération. A l’aide de cet arsenal de plus en plus puissant les logiciens et les informaticiens ont complètement réglé le cas du calcul propositionnel.

À présent, si nous considérons un individu en phase d’apprentissage ou même de création de méthode, nous pouvons lui attribuer une intelligence fluide qui se cristallise au fur et à mesure de l’apprentissage afin de devenir une véritable connaissance cristallisée. Car la connaissance globale d’une méthode effective ne peut manquer d’engendrer une procédure automatique qui n’a pour ainsi dire plus besoin d’intelligence pour parvenir à ses fins. Si cette dernière a encore une place dans ce monde, c’est en termes de comparaison de méthode. Seulement si cette dernière est caduque par l’obtention d’une stratégie optimale alors l’intelligence devient superfétatoire.

La notion d’univers clos est une extension naturelle de ce paradigme. Tout univers clos est donc a priori modélisable, formalisable, computable. Il est, du moins en théorie, traitable exhaustivement. Aussi, une fois cet objectif réalisé, l’intelligence n’aura plus de place dans cet univers en tant qu’élément heuristique. Elle est, dans ce cadre, une structure potentiellement dégénérée. Car même si elle a un sens dans une première phase, elle est vouée à disparaître par la suite. Ainsi un univers clos ne peut servir de modèle de réalité pour faire évoluer une entité qualifiable d’intelligente. La clôture de l’univers est exclusive. L’intelligence n’acquiert son statut que dans un univers ouvert et hors équilibre. Dans un univers clos l’esprit ouvert ne peut que mourir.