336 - Démocratie, masse et terrorisme

N. Lygeros

Bien qu’une vision ramseyenne du monde puisse être considérée comme relativement simpliste, elle n’en donne pas moins pour autant des indications lorsqu’elle est appliquée au problème du terrorisme dans le cadre général de la mondialisation. Cette dernière, malgré le nombre des critiques qu’elle subit demeure le modèle à suivre pour nombre de sociétés. Il est vrai qu’elle provient initialement d’objectifs économiques qui ont souvent prouvé leur efficacité dans le domaine du marketing à grande échelle. Pourtant la généralisation des modèles économiques, lorsqu’elle est hâtive via les modèles sociaux engendre l’idée qu’elle repose sur un idéal philosophique tel que celui de l’universalité. Comme le met en évidence Jean Baudrillard dans son article sur la violence de la mondialisation, l’Homme une fois qu’il a occupé la place vide du Dieu mort en est réduit, en l’absence d’ennemi, à lutter contre lui-même et il compare cette situation à une maladie maligne dans laquelle le terrorisme représente des métastases inhumaines. Cependant, ce serait tout d’abord faire peu de cas de la théologie en elle-même avant la révolution de type nietzschéen. Car l’église devenue système au fur et à mesure des siècles n’a jamais été aussi puissante qu’au moment de l’inquisition. Sa domination du monde religieux n’a jamais été un problème interne pour elle car elle avait une mission et ce, peu importe le sens que l’on puisse lui donner. La différence avec la situation actuelle, c’est que la mondialisation semble une fin en soi sans véritable objectif téléologique. De plus son idée sous-entend une aliénation de l’humanité à travers le processus de mondialisation sans pour autant en donner les causes. Alors que dans un cadre ramseyen, il n’est pas nécessaire de faire appel à l’aliénation de l’esprit de la population pour engendrer des phénomènes que nous pouvons qualifier de terrorisme. La réalité, via sa complexité est beaucoup plus simple dans son efficacité. L’apparition de sous-structures n’est aucunement due à une modification tératogène d’une partie de la population, elle est simplement une conséquence de la taille de masse considéree. C’est l’application directe de la théorie de Ramsey dans un monde codé par les relations humaines. Aussi la connaissance de ce théorème démonte complètement l’exégèse sociale de l’état du système via l’aliénation d’une partie de la population. Le phénomène est neutralisé par sa dépendance intrinsèque à la taille de la masse. Il n’y a plus l’idée de complots, c’est un état de fait. La subexistence des structures à opinions convergentes n’est qu’un corollaire de la masse d’un système qui se veut démocratique. Et ceci, contrairement aux idées developpées par Baudrillard et autres, est connu pour les spécialistes de la grande stratégie. Aussi lorsque les media tentent de découvrir le sens caché de cette situation ce n’est que par désir de subsistance ou de mauvaise foi, afin d’avoir un rôle à jouer dans un monde qui se ferme les yeux et qui se demande quel est le sens caché des choses. Il serait plus honnête et surtout plus efficace de ne plus se voiler la face et de considérer le terrorisme au sens large du terme comme un phénomène inévitable que nous devons gérer et non éviter. Car en acceptant l’existence d’une démocratie de masse, nous avons accepté l’existence d’un système global qui doit diriger la masse, dont la dynamique systémique est basée sur l’existence de sous-structures polarisées. En acceptant un point nous acceptons l’ensemble. Ce n’est ni moral, ni immoral, c’est amoral. Ainsi tant que la mondialisation ira de paire avec l’uniformisation, indépendamment de toute politique et statégie, certaines personnes prendront un autre uniforme pour lutter contre celle-ci, sans que cela ne change quoi que ce soit globalement.