245 - Un paradigme de résolution créative

N. Lygeros

 

L’objet de cet article est de proposer, sous la forme d’un paradigme, un modèle mental de résolution créative. Bien que le substrat de notre approche théorique soit constitué par notre expérience en matière d’enseignement universitaire et de recherche en mathématiques, notre vision est plus globale et donc applicable à des domaines plus généraux qui nécessitent d’une part une activité cognitive importante et d’autre part un travail collaboratif.

Afin de mettre en évidence les champs d’application de cette approche, nous analyserons point par point la structure et l’organisation proposées. Celles-ci sont pertinentes dans le cadre de petits groupes de personnes pour éviter l’apparition du phénomène de leader des plus grands. Quant aux groupes proprement dits, ils sont idéalement constitués d’individus semblables mais différents. En d’autres termes, la diversité du groupe est une condition initiale nécessaire.

0) Groupe de réflexion : Le groupe est plus puissant que l’ensemble.

Le principe de base de cette conception est la richesse des relations entre les membres de l’ensemble considéré. Plus précisément, la synergie modifie qualitativement le substrat pour engendrer l’émergence d’une structure incomparable et non réalisable séparément.

1) Initiative libre : L’initiative libre est capable de trouver même ce qu’elle ne recherche pas.

Dans une première étape de la recherche, il est important de laisser libre cours à son imagination et à son intuition afin d’aborder le problème sous divers angles. Pour cela, il est préférable pour les membres du groupe de réflexion de fonctionner sans auto-corrélation. Ainsi chaque membre utilise sa propre cristallisation pour fonctionner de manière autonome.

2) Recherche en largeur : La pensée fonctionne mieux sans contraintes.

Dans le cadre de cette première phase, il est nécessaire de s’étendre le plus possible dans l’espace cognitif, aussi, les membres doivent s’efforcer de ne pas s’attarder sur une idée mais de, sans cesse, trouver une nouvelle façon d’aborder le problème en utilisant leur fluidité intellectuelle. Loin d’être superficiel, ce processus est bien souvent difficile à mettre en place avec des individus trop spécialisés.

3) Exploitation de l’erreur : L’erreur est le moyen le plus rapide pour changer une pensée.

Pour changer sans cesse d’idée, il n’est pas nécessaire de prouver la consistance d’une approche. Au contraire, l’erreur que peut comporter cette dernière sera peut-être très utile pour une autre méthode. Aussi le groupe privilégiera l’analogie à l’homologie avec tous les risques que cela peut comporter. Qui ne tente rien, n’obtient rien.

4) Brainstorming : La tempête montre les points forts de chacun.

La non fixité des idées dans un milieu extrême permet de tester toutes les hypothèses sans se préoccuper de leur pertinence. La stabilité ne représente donc pas une propriété recherchée. Dans ce cadre, même si théoriquement tout est permis, l’efficacité du groupe dépend de manière fondamentale de la gestion du système perturbé. Une trop grande perturbation engendrera un comportement chaotique non exploitable. L’expérience des membres et leur connaissance des caractériques de chacun est donc un facteur déterminant.

5) Raisonnement non uniforme : La différence fait la différence.

C’est l’outil par excellence non seulement pour sortir d’une situation difficile due à la complexité du problème mais surtout pour aborder de manière originale un problème qui n’admet pas de solution directe. La création de rupture cognitive permet de traverser des frontières cognitives inhérentes à la structure intrinsèque du problème traité.

6) Feedback : La conscience est la pensée sur la pensée.

Tout processus cognitif innovant doit être par la suite réévalué afin de tester sa robustesse et sa pertinence pour être sélectionné dans un processus plus global. Bien qu’il soit naturel, ce processus demande beaucoup de recul face à une situation qui exige un investissement mental.

7) Recherche en profondeur : Les trésors se trouvent dans les haut-fonds.

Une fois qu’une ou plusieurs pistes de recherche sont découvertes, l’ensemble du groupe doit s’efforcer de les approfondir jusque dans leurs ultimes extensions pour déterminer la justesse des hypothèses considérées. Pour cette phase, le perfectionnisme est de rigueur.

8) Raisonnement holistique : Le tout voit ce que les parties regardent.

Lorsque le problème a été abordé de différentes manières, il est nécessaire de faire le point dans un cadre plus général qui les synthétise. Ainsi le raisonnement holistique représente un assemblage visuel qui est une véritable réinterprétation des visions partielles.

9) Résolution : Chaque problème a son noeud gordien.

L’étude du problème sous ses différents aspects et la synthèse holistique de ces derniers permet de cerner avec précision la difficulté réelle d’un problème par la mise en évidence de la clef de voute de sa structure. Sa compréhension finale représente sa résolution.

10) Meta-heuristique : Apprends à apprendre et tu trouveras ce que tu cherches.

La méthodologie adaptée pour résoudre le problème doit être analysée au final pour mesurer le degré de sa généricité. La sélection consciente d’heuristiques même initialement ad hoc construit peu à peu une méta-heuristique qui théorise les différentes approches et établit une classification des problèmes via leur complexité structurelle.

REFERENCES

La suite de Douglas Hofstadter : un paradigme de raisonnement non uniforme.

Le problème des n reines : un paradigme holistique extrême.

Du modèle mental à la théorie mentale.

De l’interdisciplinarité à l’holisme.

Réflexions métamathématiques sur une heuristique de Grothendieck.

Problèmes ouverts : une introduction aux mathématiques cognitives.

Caractérisation de la complexité structurelle.

Processus heuristiques avec méta-information.