228 - Caractérisation de la complexité structurelle

N. Lygeros

Dans cette note, nous allons étudier le problème de l’identification d’une structure complexe en passant par la notion d’isomorphisme. Pour cela, nous allons d’abord considérer des structures simples et ensuite montrer en quoi consiste la différence.Tout d’abord par structure nous entendons un ensemble muni d’une relation. Dans ce cadre, le cas le plus simple est celui du singleton muni de la relation d’identité. La caractérisation de ce cas est simple puisque la structure dégénère sur l’élément. Ainsi l’identité structurelle devient une identité élémentaire. Dans les autres cas, la connaissance de l’ensemble n’est pas suffisante pour caractériser la structure. Et nous pouvons alors considérer le problème générique de la classification de structures associées à un même ensemble.La différentiation de structures construites sur un même ensemble amène naturellement à la notion d’isomorphisme. Encore faut-il préciser ce que nous entendons par ce dernier terme. S’agit-il d’un isomorphisme syntaxique, sémantique, pragmatique ou cognitif ? Nous adopterons une approche transversale et nous traiterons donc l’ensemble de ces cas.L’isomorphisme syntaxique est par nature le plus simple puisqu’il ne s’applique qu’à la forme sans se préoccuper de considérations de fond. Aussi il suffit de lui appliquer une reconnaissance de forme classique.L’isomorphisme sémantique est plus délicat car bien qu’il ne comporte pas de contexte, sa nature est constituée de nombreux cas. Les plus simples proviennent du calcul propositionnel. En effet pour établir l’équivalence de deux formules, il suffit de considérer l’ensemble des valeurs qu’elles prennent afin de vérifier une simultanéité sémantique. La plus simple des méthodes consiste à établir les tableaux de vérité de chacune d’entre elles et de montrer qu’ils sont identiques en tout point. Cette approche revient à remplacer les structures par des décompositions sémantiques canoniques et de vérifier leur identité. Un traitement plus efficace consiste à utiliser la méthode de Quine qui applique un processus dichotomique plus puissant lorsque certaines variables sont identiques. Néanmoins l’idée est bien la même i. e. un transport structurel sémantique. Cependant l’introduction de quantificateurs existentiels et universels engendre un nouveau problème en brisant la finitude du processus. Cette fois les structures sont caractérisées par un ensemble infini et cela nécessité la création d’un modèle capable de gérer cette infinité ? Cela est possible cependant l’introduction du modèle déplace le problème de l’isomorphisme du structurel au modèle. Se pose alors le problème du choix du modèle qui évite un isomorphisme coûteux et comme ce choix peut s’avérer contextuel, il nous amène à considérer le cas de l’isomorphisme pragmatique.La nécessité de l’approche pragmatique est due au fait que ni la syntaxe ni la sémantique n’épuise le problème du sens et de la vérité d’une proposition lorsque celle-ci provient du langage. Selon la définition de Moris, la pragmatique est cette partie de la sémiotique qui traite du rapport entre les signes et les usagers des signes. Néanmoins nous donnerons une préférence à la définition intégrante de Francis Jacques qui voit en la pragmatique une manière d’aborder le langage comme un phénomène à la fois discursif, communicatif et social. De cette façon, l’ancrage du langage dans un contexte plus large est évident. Parmi les concepts les plus importants de la pragmatique, nous pouvons discerner ceux de l’acte, du contexte et de la performance. Pour notre part, nous mettons l’accent sur le rôle du contexte afin d’étudier son apport dans l’étude de la complexité structurelle.Nous ne souhaitons pas étudier le rôle du contexte dans un problème lorsque ce rôle n’est pas clairement défini. Nous préférons examiner le cas où celui-ci est apparemment absent. Nous sommes donc dans le cas où rien n’indique le contexte associé au problème donné. Rétrospectivement cette situation est fréquente puisque le processus opératoire habituel de la formalisation consiste à décontextualiser un problème avant d’effectuer sa résolution. Ce qui sous-entend que le noyau du problème contient l’essence de celui-ci. Il est évident que cette méthode est efficace et pas seulement dans des cas simples. Cependant elle ne mène à rien dans les situations génériquement complexes où le formalisme n’offre qu’une représentation équivalente au problème initial. Par équivalence, nous entendons ici une simple traduction du problème sans interprétation exégétique.L’isomorphisme cognitif est quant à lui plus difficile à formaliser même s’il est plus facile à concevoir. En effet celui-ci n’est pas dépendant du langage de manière directe comme les autres que nous avons traités précédemment, même s’il dépend de manière essentiel de celui-ci pour être explicité. L’isomorphisme cognitif est conceptuel. Aussi il est en lien étroit avec les schémas mentaux. Il n’est pas nécessairement homologique comme les autres puisqu’il peut s’appuyer sur le raisonnement analogique. Phénomène qui explique la difficulté de sa formalisation. Néanmoins, il est plus important que les autres dans le sens où il est plus puissant sur le plan heuristique. Car même s’il n’est pas complètement formalisé dans le cadre d’un problème spécifique, c’est justement cette absence qui lui permet de faire des liens hors contextuels. Il offre donc des possibilités plus grandes pour franchir les cadres disciplinaires classiques. Sa puissance provient donc de la difficulté à définir son champ d’application. Sa manipulation est certes délicate, néanmoins lorsqu’elle est maîtrisée, elle devient un outil heuristique performant. Et le solveur doit alors choisir des alternatives conceptuelles pour élaborer une heuristique apte à résoudre un problème donné. L’isomorphisme cognitif s’appuie sur des structures relationnelles dont la logique a été étudiée pour la première fois par la théorie des relations de Roland Fraïssé. Néanmoins il dépasse et de très loin ce cadre relativement restreint et formel même si sa généralité est stable. Aussi pour approfondir cette notion, il est nécessaire à présent d’introduire celle d’index cognitif.De la même manière qu’un espace problème est associé à un problème pour parler de sa complexité, nous associerons l’espace cognitif à l’ensemble des problèmes. Dans un espace cognitif, nous introduisons la notion d’index cognitif de la manière suivante. Il s’agit d’un indicateur, en général simple, qui permet de discriminer des structures complexes. Cela permet donc, dans le cas général, de séparer ces dernières en classes dont le groupe d’automorphisme est trivial. Ainsi l’isomorphisme cognitif apparait comme un méta-isomorphisme qui existe et prend sens lorsque nous sommes en présence de structures qui sont non isomorphes mais qui ont un index cognitif identique. Il permet donc de traiter des cas similaires mais néanmoins différents. De plus, par définition, l’isomorphisme cognitif est relatif à l’index cognitif. Cette caractéristique qui semble être une faiblesse au premier abord, représente en réalité la force de ce concept car il dépend du choix conceptuel du solveur. Il sera donc naturellement associé à la fluidité mentale de ce dernier puis, par l’expérience de sa manipulation, à sa cristallisationmentale. Cet outil heuristique est donc simultanément fluide et évolutif et potentiellement l’accessible sur le plan didactique.Une réalisation possible de ces concepts est visible dans la théorie des graphes et plus spécifiquement dans le problème de la caractérisation des arbres. Dans ce cadre, il existe différents index topologiques comme celui de Wiener, de Hosoya, de Balaban et plus généralement leurs développements ultérieurs avec les index de type ID. Ils permettent de discriminer avec plusou moins d’adéquation des arbres. Cependant notre point de vue est autre puisque nous recherchons les arbres qui ne sont pas discriminés par ces différents index afin de mettre en évidence leur ressemblance et l’existence d’un isomorphisme cognitf dont la propriété intrinsèque est de comprendre la complexité structurelle quand les méthodes classiques ont atteint leurs limites. L’isomorphisme cognitf voit ce que les autres regardent.