2215 - Réflexions sur la nature humaine de Zénon d’ Élée

N. Lygeros

Même si nous ne connaissons rien directement de Zénon d’ Élée lui-même, les références des auteurs anciens ne manquent pas. Son œuvre ou sa vie sont cités par Aétius, Aristote, Athénée, Clément d’Alexandrie, Diodore de Sicile, Diogène Laërce, Elias, Eudéme, Eusèbe, Jean Philopon, Philon, Philostrate, Platon, Plutarque, Proclus, Pseudo-Aristote, Sénèque, Simplicius, Stobée, Suidas et Tertullien. Certes l’ensemble de ces références ne représentent somme toute que quelques pages. Seulement nous pensons qu’il est plus opportun de regarder la qualité des auteurs que d’examiner la quantité de pages. A notre époque, nous avons la fâcheuse habitude de compter le nombre de citations sans examiner la qualité des auteurs qui les font. Mais revenons à Zénon d’Élée lui-même ainsi que nous incite à le faire les fragments qui le concernent.

Nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que les textes existants s’occupent plus de la vie de Zénon que de son œuvre. Aussi nous utiliserons celle-là pour mieux comprendre celle-ci. Zénon d’ Élée contemporain de Démocrite et de Pythagore, écrit. Cela le différencie par rapport à Socrate. Nous savons qu’il est l’auteur des Querelles, de l’Exégèse des opinions d’Empédocle, de Contre les philosophes et aussi du texte De la nature, d’après Suidas. Aristote quant à lui le considère comme le fondateur de la dialectique. Selon Apollodore, comme nous le précise Diogène Laërce, il est par le sang fils de Télentagoras et par adoption fils de Parménide. Ce dernier point explique entre autres qu’il devint par la suite son élève. Ses livres sont considérés comme ingénieux et sa pensée profonde. Néanmoins comment être certain de ses qualités ? Les auteurs de l’antiquité ont tranché en faveur de la grandeur de son humanité grâce aux circonstances de sa mort. Fervent défenseur de la liberté, il tente de renverser le tyran Néarque ou Diomédon selon d’autres sources, et il fut emprisonné. Ensuite il fut torturé pour livrer ses complices. Mais Zénon d’ Élée cita les noms des amis du tyran ce qui créa la plus grande confusion chez ce dernier. Toujours sous la torture il trouva un stratagème pour mettre fin à ses souffrances. Il fit croire qu’il était sur le point de tout avouer et demanda au tyran de se pencher pour lui faire ses confidences. Celui-ci tomba dans le piège et se pencha. Alors Zénon d’Élée lui mordit l’oreille de toutes ses forces et ne lâcha prise que lorsqu’il fut mis à mort par ses bourreaux. D’autres sources affirment qu’il trancha sa propre langue avec ses dents et qu’il la cracha au visage du tyran. Par ce geste il aurait suscité une révolte contre le tyran. Mais d’autres assurent qu’il fut jeté dans un mortier où il fut broyé. Plutarque comme Clément d’Alexandrie considèrent que sa mort est exemplaire à plus d’un titre. Il se révolta, il n’abjura pas, il résista et contre-attaqua jusqu’à sa mort. Sa manière de faire, de vivre et de mourir est semblable à sa manière de penser puisque comme le dit Platon lui-même « il perfectionna un art qui lui était propre consistant à réfuter et à plonger ses adversaires dans l’embarras au moyen d’arguments contraires ». Aussi nous pensons qu’il est nécessaire de réexaminer plus en profondeur les fameux paradoxes de Zénon d’Élée car sa propre vie est le noyau de leurs schémas mentaux et celui-ci mérite que nous nous y attardions.