202 - Juste une référence

N. Lygeros

Georges est assis, seul, sur un banc. Une petite fille timide apparaît sur scène et vient s’asseoir auprès de lui, comme si elle le connaissait mais sans lui adresser la parole. Georges en reste bouche bée. Il ne dit pas un mot non plus. Puis au bout d’un moment…

Georges : Mais qui es-tu ?

Marie : J’appartiens à l’humanité…

Georges : Surpris. Quoi ?

Marie : C’est ce que vient de dire l’auteur…

Georges : L’auteur ? Silence. Quand est-ce qu’il a dit cela ?

Marie : Juste maintenant !

Georges : Pensif. C’est donc pour cela !

Marie : Intriguée. C’est donc pour cela quoi ?

Georges : Que je n’étais pas au courant ! Un temps. Je me demande si Alexis le sait.

Marie : Qui est Alexis ?

Georges : Il ne te l’a donc pas dit ?

Marie : Qui ?

Georges : Mais l’auteur !

Marie : Il m’a juste parlé de l’essentiel en deux points.

Georges : Cela ne me surprend pas de lui… Silence. Même si Alexis l’avait su, il ne m’aurait rien dit…

Marie : Pourquoi donc ?

Georges : Pour me faire une surprise ! Un temps. J’adore les surprises… surtout quand elles sont bonnes.

Marie : Heureuse. Je suis donc une bonne surprise ?

Georges : Oui, du moins… je crois. Un temps. En tout cas tu me parles…

Marie : Malicieuse. C’est indiscutable !

Georges : C’est donc que tu as conscience de mon existence !

Marie : C’est normal !

Georges : Pourquoi donc ?

Marie : Je suis la soeur de ton âme.

Georges : Tu es une âme soeur ?

Marie : Ce n’est pas le terme adéquat… Disons plutôt que que nos êtres ont une partie commune… Il a aussi ajouté que tu pourrais m’aider.

Georges : Cela est impossible ! Un temps. Alexis, il pourrait, lui… Mais moi ?

Marie : Et pourtant il l’a dit !

Georges : Je me demande ce qu’il a en tête… Changeant de ton. et en quoi pourrais-je t’aider ?

Marie : Après un temps. Je voudrais que tu me lises un livre…

Georges : Dans un cri. Quoi ! Un livre ? Lire un livre ? Moi ? Silence. C’est hors de question ! Un temps. C’est une question de principe.

Marie : Après réflexion. Tu ne dois pas le lire pour toi, mais pour moi ! Un temps. On me l’a interdit !

Georges : Alors, c’est différent ! Je veux bien essayer… Quel est son titre ?

Marie : Le titre c’est… Elle se penche vers son oreille et Lui dit le titre.

Georges : Il faudrait en parler à l’autre Albert ! En apercevant Alexis qui entre sur scène. Alexis ! Alexis ! Alexis se rapproche lentement et s’assoit Lui aussi. Tu sais, on lui a interdit de lire un livre !

Alexis : En montrant le ciel. Qui ? lui?

Georges : Mais, non !

Alexis : En tout cas, c’est inhumain ! Et c’est interdit d’interdire ! Georges fait un signe d’acquiescement. Quel est donc ce livre ? Ils se penchent tous les trois, très près les uns des autres. Georges chuchote le titre du livre. Je ne comprends pas quel mal il y aurait à lire un livre ?

Georges : Je ne sais pas. Un temps. C’est peut-être pour cela que c’est grave…

Alexis : Je ne pense pas !

Georges : Que fais-tu alors ?

Alexis : Je réfléchis !

Georges : J’aime mieux ça ! Un temps. Je me demande toujours ce que nous sommes entre deux pensées. Long silence.

Alexis : En désignant Marie. Mais au fait, qui est-ce ?

Marie : C’est moi !

Georges : C’est elle !

Alexis : C’est tout ?

Georges : C’est juste mon âme…

Marie : Le coupant. soeur !

Alexis : Georges, je ne savais pas que tu avais de la famille.

Georges : C’est vrai, j’étais sans famille.

Alexis : A présent, tu es responsable d’elle.

Georges : Mais pourquoi ?

Alexis : Tu vois bien qu’elle est assise sur notre banc !

Georges : Après avoir dévisagé Marie. C’est exact !

Alexis : Poursuivant son idée. Et qu’elle ne se trouve pas là-bas ! Il désigne le public.

Georges : Il s’avance jusqu’au bord de la scène et regarde le public. C’est vrai qu’elle n’est pas là ! Il revient alors sur le banc.

Alexis : Alors nous en sommes responsables ! Silence. Puis en s’adressant à Marie. Es-tu le fruit du hasard ?

Georges : Nécessairement ! Un temps. Elle n’était pas prévue au départ !

Alexis : Mais peut-être à l’arrivée…

Marie : J’aime être entourée de personnes intelligentes.

Alexis : Cela tombe bien, nous aussi !

Georges : C’est vite dit ! Nous ne sommes qu’entre nous ! Silence. Puis, en regardant Marie. Et pourquoi donc ?

Marie : Car j’aime apprendre.

Georges : C’est drôle, moi aussi. Silence. Seulement tu sais bien que l’on n’apprend rien avec des personnes intelligentes ! Un temps.

Alexis : Il faut se contenter de comprendre !

Marie : Alors je m’en contenterai.

Alexis : Parfait ! Et si nous pensions ?

Georges : Encore !

Alexis : As-tu une autre idée ?

Georges : Non, justement !

Marie : Et si vous pensiez à moi ?

Georges et Alexis: Surpris. D’accord, pensons à toi !

Ils se penchent tous les deux sur elle et lui touchent les tempes de leur front.

Marie : J’ai ma tête comme dans un étau…

Georges : Penser fait toujours souffrir !

Alexis : Ou plutôt, il vaut mieux penser quand on souffre.

Ils se dégagent et se redressent.

Marie : Je me sens mieux.

Alexis : On se sent toujours mieux après avoir pensé !

Georges : En montrant le public. Regarde comme ils ont l’air bien maintenant !

Marie : En regardant le public. Je me demande ce qu’ils pensent de tout cela.

Alexis : Sans doute que c’est un coup de l’auteur !

Georges : Alors il a écrit tout cela pendant que nous dormions !

Marie : Mais il ne dort jamais ?

Alexis : Il n’existe que lorsqu’il crée !

Marie : Et mon livre ?

Georges : C’est juste, j’ai failli l’oublier…

Alexis : C’est plutôt absurde ! Car comment lui lire un livre que nous ne possédons pas ?

Georges : Nous pourrions peut-être lui jouer la pièce ?

Alexis : Tu veux dire qu’il faudrait nous mettre dans la peau des personnages ?

Marie : Heureuse. Oh, oui ! Ce serait parfait !

Alexis : Mais nous devrons alors jouer plusieurs rôles !

Georges : Je ne vois pas le problème. Après tout nous sommes des caméléons.

On entend le timbre de l’entrée, une fois. Georges fait un geste pour arrêter Alexis qui semble vouloir parler. Le timbre retentit deux fois, coup sur coup.

Georges : En montrant le ciel. C’est lui!

Rideau.