1870 - « La route pour Memphis et Thèbes passe par Turin »

N. Lygeros

Il n’est pas nécessaire de croire à la phrase de Jean-François Champollion. Il suffit de visiter le Museo Egizio pour constater combien elle est vraie. Certains des documents qui y sont exposés suffisent en eux-mêmes pour justifier son existence. Tel est le cas du Papyrus royal. Il s’agit d’un papyrus du Nouvel Empire de la XIXe dynastie (1292-1186 av. J.C.) en provenance de Deir el-Medineh qui a appartenu par la suite à la collection Drovetti. Même s’il est fragmentaire, c’est l’un des documents historiques égyptiens les plus importants. Véritable instrument pour l’étude de la chronologie égyptienne, il a été analysé pour la première fois par Jean-François Champollion lui-même. Celui-ci avait compris que le hiératique n’était qu’une forme de tachygraphie du système hiéroglyphique, aussi il ne manque pas de saisir l’importance de ce catalogue de rois. Le texte est disposé en colonnes. Ceci permet de comprendre sa structure générale même s’il est très fragmentaire. A chaque ligne figure le nom du roi et la durée de son règne en années, mois et jours. De plus, à la fin de chaque groupe de noms, nous trouvons une indication sur le nom de la période qui ne correspond pas toujours à la classification des dynasties qui provient de l’œuvre de l’historien ancien Manéthon du règne du roi Ptolémée II (282-246 av. J.C.). Il semble que le texte a été copié d’une source administrative officielle des archives de Thèbes. La copie qui se trouve au Museo Egizio est l’œuvre d’un scribe du village d’artisans de Deir el-Medineh. La qualité de l’encre et du papyrus permet une étude nette de l’ensemble du manuscrit. Quant à sa structure textuelle matricielle, elle offre la possibilité de saisir l’étendue du texte intégral et d’une partielle complétion des fragments. En admirant cette copie, il n’est pas possible de mettre en doute la phrase de Jean-François Champollion. A elle seule, elle justifie le déplacement non seulement du spécialiste en égyptologie mais aussi de l’érudit conscient de tout ce que nous devons à la civilisation égyptienne. Le Museo Egizio est né de la collection Drovetti qui consiste en 5268 objets (100 statues, 170 papyrus, des stèles, des sarcophages, des momies, des bronzes et des amulettes) et Jean-François Champollion est arrivé à Turin pendant le déballage de la collection Drovetti. En quelques mois, il a produit le catalogue raisonné des collections. C’est aussi le fruit de ce travail que nous pouvons constater au Museo Egizio. Ainsi la visite n’a pas seulement un sens égyptologique large mais aussi spécifique puisqu’elle concerne l’historique du processus du déchiffrement.