1836 - La nécessité de justice

N. Lygeros

Des combats comme celui qui a été livré pour que le Mémorial Lyonnais puisse exister, montrent que la nécessité de justice peut être une véritable arme pour la cause arménienne. Celle-ci doit être conçue comme une guerre diplomatique, une guerre juridique mais aussi comme un devoir éthique. À présent les feuilles de pierre ornent de sens la place de Lyon. Elles montrent qu’il est possible de vaincre l’inertie de la bureaucratie, la haine du régime militaire, la barbarie de l’oubli. Elles sont la représentation concrète de la nécessité de justice. La notion de civilisation n’a pas de sens s’il n’implique pas la reconnaissance du génocide. Si Jaurès a dénoncé avant l’heure la tentative de cacher un cadavre dans la cave, l’image n’est pas assez forte car le problème n’est pas tellement le cadavre mais le bourreau dans la maison. Bien longtemps, nous nous sommes contentés d’axer toute la stratégie de la cause arménienne sur le génocide des Arméniens et en particulier sa reconnaissance. En réalité, l’histoire du peuple arménien ne commence pas à la date du génocide et la reconnaissance de ce dernier ne représente pas l’ultime but. Son histoire s’enfonce dans les âges et la reconnaissance du génocide n’est qu’une étape. Aussi la nécessité de justice doit être utilisée de manière catalytique pour produire des résultats stratégiques sur lesquels peut s’appuyer la cause arménienne. Et le Mémorial Lyonnais fait partie de ces résultats. Il ne faut donc ni surestimer ni sous-estimer ce résultat, il faut seulement le valoriser. En effet, il peut servir de point d’appui dans le cadre de la campagne pour la loi sur la pénalisation de la négation du génocide qui représente une étape importante dans le processus de réparation. La lutte sera difficile car elle se situe à un niveau politique qui permet un plus grand jeu d’influences de la part des lobbies. Aussi il est nécessaire de mettre en avant, surtout au niveau de la France, l’ensemble des répercussions engendrées par l’érection du Mémorial Lyonnais pour le génocide des Arméniens. La guérilla politique doit être non seulement acceptée et non évitée mais redirigée de manière efficace dans ce nouveau contexte. Car au niveau des partis politiques, la loi sur la pénalisation peut aisément se transformer en un problème franco-français sans que l’élément arménien puisse intervenir. Aussi la redirection doit être effectuée auparavant afin que le dogme stratégique soit mis en place avant la transformation finale. C’est dans ce cadre que le Mémorial Lyonnais acquiert du poids et a un rôle à jouer. Ce dernier doit être ensuite amplifié via les évènements qui ont eu lieu pour montrer le coût politique des manœuvres politiciennes. Car cette fois, le cadre est beaucoup plus large puisqu’il a des répercussions pour l’ensemble de l’Union Européenne. La politique française doit reprendre l’initiative au niveau européen et ce, particulièrement dans le domaine des droits de l’Homme puisque la Charte des droits fondamentaux n’est pas encore appliquée. Aussi les hommes politiques n’auront pas à rendre compte seulement au peuple arménien mais à la structure européenne elle-même.