1654 - Le cavalier du maître

N. Lygeros

Le forgeron pensait que cette réalisation était impossible.
Il avait raison.
Seulement…
Seulement le Maître avait pensé l’impossible.
Même si cela était impensable les plans du monstre étaient là.
Ils démontraient que cela n’avait jamais été pensé.
Le moule prendrait corps.
Il le savait.
Le bronze coulerait.
Même s’il ne le savait pas.
Quant au refroidissement…
Il ne serait pas vertical mais latéral.
La Lombardie et sa terre ne pouvaient plus.
Aussi le maître avait conçu l’essentiel.
L’alliage serait différent.
Les mêmes métaux formeraient la différence.
Et cette différence ferait la différence.
Telle était la pensée du Maître.
Tel serait l’amalgame du forgeron.
Seulement son esprit résistait.
La cambrure, la courbure, le rebroussement, rien n’existait encore.
Pourtant le Maître montrait la matière à penser.
Et il devait penser la matière.
Aussi le Maître dut lui expliquer sa vision cybernétique du monde.
Il lui parla des automates qu’il concevait.
Il lui expliqua les secrets de la mécanique, les mystères de l’anatomie, la pureté de la sculpture et la vie du théâtre.
L’artisan écoutait l’artiste.
L’art parlait à la technique.
Et peu à peu l’utopie devenait réalité.
L’esprit du Maître engendrait le monde impensé.
Le forgeron ne savait que dire.
Il ne connaissait que le feu mais désormais il voyait la lumière.
La partie serait difficile.
Le Maître commencerait par la terre.
Ensuite viendraient le feu et le métal.
Le forgeron avait été convaincu par tous ses arguments.
Il créerait le nouvel alliage.
Pour lui, ce serait un coup d’essai.
Pour le Maître, une nécessité.
La nécessité de créer.