161 - Le puzzle d’Emile Fourrey :un paradigme de problème ouvert élémentaire

N. Lygeros

Dans son livre de 1907 intitulé Curiosités géométriques, Émile Fourrey pose le problème suivant : découper un carré de côté a donné en un puzzle de cinq pièces permettant de reconstituer un carré de côté b < a et un deuxième carré.

Une autre manière de l’énoncer est la suivante : découper un carré en cinq pièces pour obtenir ensuite deux carrés.

Nous allons étudier ce problème en tant que paradigme de problème ouvert élémentaire. Son caractère élémentaire en tant qu’énoncé est évident puisque celui-ci ne contient aucune notion nécessitant un bagage mathématique avancé. Quant à son aspect ouvert, il provient de l’absence d’indication sur la méthode à suivre pour résoudre ce problème.

Nous avons eu deux occasions de tester des étudiants face à ce type de problème. Le premier groupe d’étudiants (Groupe Télémaque, par la suite noté GT) est constitué d’enfants précoces de 8 à 15 ans. Le second groupe (Groupe Spécial, par la suite noté GS) est lui constitué d’étudiants de 20 à 23 ans, en mathématiques et physique (Mathématiques Spéciales, Deug, Licence, Maîtrise et Préparation à l’Agrégation). Chacun de ces groupes comporte une dizaine d’individus.

Les mesures de la complexité du problème sur les deux groupes sont corrélées. Plus préecisément les étudiants ont trouvé des solutions au problème dans le même ordre temporel.

La première solution donnée par les deux groupes est celle qui consiste à reconstruire deux carrés de tailles identiques à partir du découpage du carré initial. Ceci s’explique sans doute par la grande symétrie de cette solution (symétries axiales et centrale). Cette solution apparaît quasiment simultanément à plusieurs personnes dans chacun des deux groupes. Ensuite nous leur avons demandé de chercher des solutions avec deux carrés différents.

La deuxièeme solution qui utilise un carrée central et quatre rectangles identiques est plus difficile à trouver et cette fois quelque personnes seulement la conçoivent. Il est révélateur cette fois que la solution n’a plus qu’une symétrie centrale. Et pour le GT l’utilisation de papier quadrillé a été inspiratrice d’idées…

Lorsque nous avons demandé une troisième solution dans un laps de temps relativement court pour ce type de problème nous avons perçu le fait que plusieurs personnes du GT entraient en phase de saturation cognitive. Aussi pour aider l’enclenchement du raisonnement non uniforme nous leur avons suggéré d’essayer de découper le carré avec des pièces triangulaires. Cela a suffit pour donner l’idée de la solution à l’un d’entre eux. Par contre pour le GS nous n’avons donné aucune indication. Cependant, pour les membres du GT, la réalisation explicite de la solution est difficile car elle nécessite la connaissance du théorème de Pythagore.

Du point de vue strictement mathématique les figures suivantes permettent non seulement de démontrer la richesse des solutions, et en particulier montrer l’existence d’une famille infinie de solutions mais plus précisément de mettre en évidence la puissance de cet infini grâce à l’introduction de fonctions symétriques pour découper l’un des carrés de notre problème.