1609 - Sur les réflexions de Leonardo da Vinci

N. Lygeros

Il n’est sans doute pas évident à notre époque, plusieurs siècles après la mort de Leonardo da Vinci, de comprendre l’importance et le nombre des critiques reçues par ce génie universel. Pourtant les éléments ne manquent pas pour comprendre ce qu’il a enduré tout au long de son existence tumultueuse. Parmi ceux-ci se trouvent les réponses anticipées aux critiques du Traité de la peinture.

« Les inventeurs, truchements entre la Nature et l’homme, doivent être jugés et exactement considérés par rapport aux trompettes qui déclament les ouvrages d’autrui, comme l’objet placé devant un miroir et son reflet dans le miroir : l’un est quelque chose par lui-même, l’autre rien. Espèce qui ne doit rien aux dons de la nature, mais tout à un revêtement artificiel, sans lequel on pourrait la ramener au troupeau des bêtes ».

Il pourrait sembler à un non-spécialiste de la biographie et de l’œuvre de Leonardo da Vinci que ces mots soient extrêmement durs à l’encontre de ses détracteurs potentiels. Seulement, il faut bien se rendre compte que l’inventeur a eu des démêlés toute sa vie avec des personnes dépourvues non seulement de génie mais aussi de talent. Pour eux, toute son œuvre, pour ne pas dire l’ensemble de ses manuscrits – du moins ceux qui ont été lus- n’est que l’exemple même du dilettantisme en pleine activité. Considéré comme un touche-à- tout sans profondeur car dépourvu des qualités du spécialiste, le génie universel de Leonardo da Vinci, n’a véritablement pas été compris. Dans le meilleur des cas, il était considéré comme un homme qui disperse son talent. Aucun d’entre eux ne pouvait comprendre qu’il était nécessaire pour son activité cérébrale de fonctionner comme une immense machine parallèle. Car la distribution des calculs lui permettait d’accéder à des entités encore non seulement inconnues mais tout simplement non pensées par d’autres personnes. De plus, le fait qu’il n’utilisait comme système de référence que la Nature elle-même et non une multitude de citations non lues, exaspérait ses contradicteurs comme l’indique indirectement cette autre note.

« Beaucoup se croient en droit de me critiquer sous prétexte que mes démonstrations contredisent l’autorité de certains auteurs que leurs jugements inexperts tiennent en grand respect ; sans voir que mes recherches dérivent de la pure et simple expérience, la vraie maîtresse ».

Car Leonardo da Vinci se désintéresse du paraître, il ne recherche qu’à comprendre l’être. Comme l’écrit Aristote : le désir de savoir est naturel aux bons. Et c’est pour cela qu’il affirme à l’avance : « Beaucoup, je le sais, trouveront ce travail inutile ».

Car il est conscient que les critiques se fondent sur un fait qu’il ne peut changer.
« Comme je n’ai pas de culture littéraire, quelques présomptueux se croient fondés, je le sais, à me critiquer en alléguant que je n’ai pas de lettres ».

Seulement, nous le savons désormais, l’œuvre de Leonardo da Vinci représente à elle seule une démonstration de l’absurdité des arguments des critiques.