1483 - Du génocide à la cause

N. Lygeros

En relisant les mots écrits en 1879 par le Grand Vizir, il est difficile de ne pas faire de rapprochement.

«Nous, Turcs et Anglais, non seulement nous méconnaissons le mot Arménie, mais encore nous briserons la mâchoire de ceux qui prononceront ce nom. Ainsi pour assurer l’avenir, dans ce but sacré, la raison d’Etat exige que tous les éléments suspects disparaissent.»

L’histoire nous permet de comprendre le présent mais aussi de le comparer afin de voir combien il a évolué dans le temps et combien les mentalités ont changé. Certes nous retrouvons des éléments qui demeurent invariables aussi nous ne sommes guère surpris par certaines attitudes, mais nous pouvons aussi mettre en exergue d’autres qui malgré un contexte similaire parviennent à dépasser ces contraintes et lutter pour la liberté des peuples.

Certains prétendent que les résolutions du parlement européen ne sont que d’ordre politique. Cependant lorsque nous examinons les circonstances et le cadre temporel, nous ne pouvons que nous réjouir de la résolution sur la nécessité de la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie , le résultat est remarquable. Car la présidence anglaise n’a rien fait pour faciliter les choses et au contraire a tout fait pour aider la Turquie. Malgré tout les amendements sont passés et la résolution a été adoptée, alors que le jour précédent aucun texte officiel ne mentionnait cette problématique. Il ne faut donc pas amoindrir ce succès pour les droits de l’homme car il n’avait rien d’évident a priori .

Cependant nous ne devons pas nous contenter de son existence, nous devons l’exploiter pour revendiquer son application pratique dans le cadre des négociations en tant que condition préalable à l’adhésion. Nous sommes désormais dans une période critique pour la cause arménienne. Car une adhésion sans reconnaissance serait pour ainsi dire la mort de cette dernière si ce n’est de jure du moins de facto. La reconnaissance du génocide arménien ne peut plus être une fin en soi. Elle doit être l’élément fondamental de la cause arménienne mais en tant que stylobate de l’édifice. Car il est nécessaire d’avoir une vision plus ample qui englobe aussi des éléments de géostratégie.

La reconnaissance du génocide arménien et sa lutte ne doivent pas effacer de notre mémoire que l’Arménie est encore occupée et que nous ne pouvons pas nous contenter de l’état d’Arménie actuel. De nombreux Arméniens pour ne pas dire la plupart de ceux qui appartiennent à la diaspora, sont originaires des territoires occupés. Ces derniers ne représentent peut-être rien pour ceux qui ne connaissent pas encore la cause arménienne, mais ils sont essentiels pour tous les Arméniens. Les territoires occupés ne sont pas seulement un élément de l’Arménie au sens géographique du terme. Ils constituent le centre, le cœur de l’ontologie arménienne. Le point de référence d’un peuple car « l’arche s’arrêta sur les Monts d’Ararat.»