1416 - Diplomatie européenne

N. Lygeros

Comme cela était prévisible depuis le refus du plan Annan, le problème chypriote s’est transformé en problème européen et désormais la reconnaissance de la Démocratie Chypriote par le régime autoritaire de la Turquie est une clef dans le champ des prénégociations. Ce détail initialement formel joue un rôle central dans le jeu de la diplomatie européenne. Bien sûr cela ne signifie pas pour autant que cette approche soit suffisante. Néanmoins cela confirme la validité stratégique de la transformation opérée. Cela confirme aussi qu’il fallait admettre dans l’Union Européenne, la Démocratie chypriote dans ces conditions sans accepter des exceptions aux acquis communautaires. Car c’est justement ces acquis qui permettent d’exercer une pression dynamique sur la diplomatie turque qui tente par tous les moyens de se dérober. Et pourtant il ne s’agit pas de l’unique avantage que possède la diplomatie européenne. Alors que la tactique turque demeure la même indépendamment de ses interlocuteurs, la diplomatie est extrêmement mobile et même sans doute trop pour certains analystes qui préfèreraient avoir à gérer certains points stables. Cette qualité même si elle est contestable et parfois contestée, avec l’entrée de dix Etats-membres vient d’être renforcée car aucun d’entre eux n’est de type autoritaire. Il est vrai que cela pose aussi des problèmes comme vient de le mettre en évidence la diplomatie autrichienne qui s’est retrouvée isolée en raison de la politique adoptée. Il faut pourtant se concentrer sur les actes et les faits et non sur les paroles et les promesses. Ce qui importe c’est le résultat pratique qui sort à la suite d’une période de crise qui était de toute manière prévisible. Nous ne devons pas être dupes dans ce jeu qui exploite à fond des solutions de Pareto via des équilibres de Nash. En prétendant ne rien vouloir, l’Union Européenne table tout de même sur la symétrie de la procédure pour obtenir certains résultats minimalistes certes mais suffisants pour modifier le cours des choses. Il est certain que le temps est une donnée positive qui est utilisée avec habileté pour augmenter la pression via des données incertaines et non encore stabilisées par des prises de position tangibles. Peu à peu, dans ce jeu positionnel se dégagent les éléments structurels d’une stratégie à suivre sans pour autant éveiller les soupçons et engendrer des réactions irréversibles. Aussi le problème est avant tout d’ordre interne car il s’agit de la cohérence intrinsèque. Si celle-ci se stabilise alors l’Union Européenne n’aura rien à craindre de la question orientale. Car même si tout peut se ramener à des questions économiques, tout n’est pas question d’économie. Certaines limites ne peuvent être franchies car elles ne définissent pas seulement les bornes de la pensée stratégique européenne mais aussi sa propre ontologie. Le motif de la reconnaissance est un schéma mental puissant qui caractérise la notion d’Union Européenne puisque cette dernière représente l’union dans la diversité. Sans la reconnaissance de l’autre aucun regroupement ne peut s’effectuer or la structure de groupe et même d’hypergroupe gère la nature de l’Union Européenne.