1200 - Le point de vue d’Épicure et la critique de da Vinci

N. Lygeros

Dans le manuscrit F, Leonardo da Vinci analyse par deux fois (recto du feuillet 6 et verso du feuillet 8) l’argumentation d’Épicure sur la taille du soleil. Celle-ci comme l’indique Leonardo da Vinci se base sur le principe que l’image est à l’image de l’objet.

« Épicure dit que le soleil est aussi grand qu’il paraît ; donc comme il semble mesurer un pied, nous devons le tenir. »

Leonardo da Vinci ne se contente pas de démonter l’argumentation d’Épicure, il tente aussi de comprendre la génération de son erreur comme le montre l’extrait suivant :

« Épicure a peut-être vu que les ombres des colonnes sur les murs placés en face d’elles, avaient un diamètre égal à celui de la colonne qui les projetait. Et comme la masse d’ombre, d’une extrémité à l’autre, formait un parallélogramme, il en inféra que le soleil aussi était en face de ce parallélogramme, et en conséquence, ne devait pas être plus gros que la colonne, sans s’aviser que cette diminution d’ombre serait inappréciable à cause de l’éloignement du soleil.»

La dernière partie de ce paragraphe est effectivement vraie mais elle est beaucoup plus puissante que ne l’imagine Leonardo da Vinci lui-même. En effet la distance du soleil permet d’engendrer un comportement pour ainsi dire universel quant à la portée et la taille de l’ombre projetée. Toute ombre dans le cas où l’objet et la surface sur laquelle il est projeté, sont orthogonaux aux rayons du soleil, sera isométrique i.e. les distances seront conservées ainsi la taille de l’objet et celle de son ombre seront identiques. Aussi le soleil sera dans tout parallélogramme ainsi créé. Ce qui est absurde. La généricité du raisonnement permet d’attribuer au soleil plusieurs tailles ce qui montre qu’il est fallacieux.

La critique de Leonardo da Vinci est évidemment correcte. Cependant sa tentative d’expliquer l’erreur d’Épicure ne peut être considérée comme telle. Nous avons tendance à penser que son erreur est plus profonde et qu’elle se base sans doute sur un principe philosophique faux du type à rendre isomorphes l’ontologie avec la phénoménologie. Leonardo da Vinci réduit la problématique à un aspect pratique qui est certes suffisant pour démonter l’argumentation épicurienne sans que cela n’implique nécessairement que le cadre soit la source de l’erreur.

Il est aussi intéressant de noter que da Vinci associe par la suite le phénomène de l’éclipse pour contrer une deuxième fois l’argumentation d’Épicure. Il exploite ainsi d’une autre façon la notion de la taille via celle de la lune. Et ce fait prouve qu’il avait conscience d’une certaine généricité sans réaliser l’universalité du raisonnement.