1196 - La reconnaissance du génocide en tant qu’axiologie

N. Lygeros

De manière générale il est difficile de connaître la valeur d’un combat à mener. Il existe pourtant des exceptions et le génocide est l’une d’entre elles. Le génocide ne laisse aucun choix. Il doit être reconnu pour permettre l’existence. En tant que combattant des droits de l’homme je n’existe que si je fais reconnaître. Cependant la reconnaissance du génocide n’est pas une fin en soi. C’est une structure qui organise une cause. C’est un point de référence qui donne de la valeur à nos actions à mener. C’est une cible stratégique qui doit aussi être considérée comme telle sans que cela ne signifie que ce choix dénature son ontologie. La reconnaissance du génocide est un défi à l’humanité dans son ensemble mais aussi à chacun des hommes qui est sensé en posséder. Il en est de même pour les recours à la Cour Européenne des droits de l’homme. Les plus efficaces sont ceux qui concernent la non jouissance de la propriété. Certains penseront qu’il ne s’agit là que d’un critère économique et non éthique. Il est vrai que l’économie ne peut à elle seule se doter d’une structure éthique. Cependant l’économie peut représenter la dynamique de l’éthique. Via la pression économique exercée sur le tortionnaire, nous pouvons obtenir des résultats plus probants que ceux d’une approche classique des droits de l’homme. Les cas chypriotes démontrent la véracité de ces propos. Il serait donc opportun d’enrichir la cause arménienne par des recours systématiques. De cette manière, la reconnaissance du génocide ne serait pas réduite à un problème juridique international. L’intervention du critère économique permet d’étendre le champ d’action de la cause. Cela engendre aussi une nouvelle dynamique car chaque victime peut devenir un résistant de la mémoire non pas de manière abstraite mais de façon tout à fait concrète. Chaque homme peut faire son recours. Il n’a pas besoin d’être attentif à un quelconque discours. Tout se concentre en une seule chose. Être réfugié, c’est faire un recours économique non pour une raison économique mais éthique. Être réfugié, c’est prendre conscience de la nécessité de l’existence du passé pour supporter le poids de l’avenir. Même si en l’occurrence la reconnaissance du génocide est une problématique typiquement humaine c’est uniquement en la considérant comme l’objectif d’un mix stratégique que nous pouvons lutter efficacement contre ceux qui veulent commettre un deuxième génocide, pire encore que le premier car il s’agit cette fois du génocide de la mémoire. Pour effacer la mémoire aucun outil n’est interdit et c’est justement pour cette raison qu’il faut ouvrir plusieurs fronts contre les ennemis de la mémoire. Se souvenir ne peut suffire que dans un premier temps, il faut ensuite résister pour lutter contre les blessures qui ne peuvent se refermer sans que nous ne sacrifions de notre temps. Car l’histoire ne peut naître que du sacrifice du temps.