1010 - Mémoire de la déportation

N. Lygeros

Bergen-Belsen, Buchenwald, Dachau, Mathausen et Ravensbrück, ces lieux de l’effacement de mémoire ont à présent à lutter contre un nouveau Mémorial. Après le “Mémorial de la déportation des juifs de France”, de Serge Klarsfeld en 1978, cette insupportable liste de 76.000 existences disparues dans les camps de la mort, le “Livre-mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression” accuse à nouveau ces lieux de l’oubli. Il fait revivre ces noms qui protestent à travers leurs souffrances, leurs tortures et leur mort contre la négation de la barbarie étatisée. Il ne revient pas remettre en cause la blessure ouverte du génocide mais au contraire il renforce son existence avec des preuves à l’appui afin de rendre irréfutable ce qui est encore contesté par certains. Ces 86.827 personnes déportées pour leurs activités, leurs sentiments ou leurs propos viennent aider les 76.000 juifs broyés par le système nazi. Ces déportés de l’acte viennent soutenir les déportés de l’existence. Ils sont la preuve vivante qu’ils n’ont pas tout permis, qu’ils n’ont pas laissé faire sans penser et agir. Les innocents sont venus compléter les victimes. Ensemble, à travers leur oeuvre et leur vie, ils refusent et luttent contre l’oubli. C’est en cela qu’ils représentent un exemple à suivre pour tous les défenseurs des droits de l’homme. A présent que ce travail et ce devoir de mémoire a été effectué, il doit être exploité pour mettre à jour la lâcheté sociale qui a participé de manière active ou passive à ce crime contre l’Humanité.

L’existence de ces noms, nous indique la voie à suivre dans ce domaine. Quelqu’en soit la raison nous ne devons jamais accepter l’inacceptable. Dans un pays des libertés, nous ne pouvons oublier le passé et agir au présent comme si le futur n’existait pas. Ces noms affirment haut et fort que tout n’est pas négociable. Un génocide ne peut pas et ne doit pas être oublié. Et pour parvenir à cela il doit être dénoncé pour être reconnu. La reconnaissance d’un génocide doit être le préalable à toute négociation. Sinon cette dernière n’est qu’un compromis de plus, un acte de lâcheté de plus, une trahison de trop ! Comme il ne faut pas faire d’amalgame entre concentration et extermination, il ne faut pas effacer les différences entre négociation et collaboration. Pourtant, il faut être conscient que parfois la frontière est ténue. Il suffit de quelques détails pour se retrouver de l’autre côté du miroir.

Rien n’est comparable à la Shoah mais celle-ci ne représente pas l’unique génocide. Il ne s’agit pas d’aliéner sa nature mais au contraire de la mettre en exergue afin qu’elle serve d’exemple. Elle nous montre du doigt ce qui est possible lorsque nous n’agissons pas et elle prouve qu’il est possible de lutter même après avoir subi un crime contre l’Humanité. Ces noms dans leur ensemble crient un seul et même mot : NON. Non à la barbarie, non à la collaboration, non à l’oubli. Seul ce non peut lutter contre les endroits de la mort et de l’oubli.