1008 - Génocide : Malheur humain et lâcheté sociale

N. Lygeros

Les génocides mettent en évidence la lâcheté intrinsèque des sociétés. Devant l’horreur de ce phénomène, elles n’osent intervenir, ni pour l’anticiper, ni pour l’arrêter, par même pour le reconnaître. Afin d’éviter d’avoir un sentiment de culpabilité, elles s’efforcent de prouver leur irresponsabilité. Au commencement, elles tentent de se convaincre qu’un génocide ne peut exister, ensuite qu’il n’existe pas assez de preuves pour le dénoncer et enfin qu’il est impossible de le condamner. Aussi sa reconnaissance ne peut être que nuisible socialement. Car cela revient à montrer que la société ne s’est pas révoltée, qu’elle a laissé faire une main invisible et qu’elle s’est contentée de fermer les yeux pour ne pas voir le malheur des autres. La reconnaissance du génocide ne représente pour elle qu’un moyen de démontrer sa lâcheté. Mais la société n’a même pas le courage d’avouer cette lâcheté. Au contraire, elle tente par tous les moyens de ne pas avoir à le faire. Cependant les génocides sont imprescriptibles.

Même si la cause est raciale et l’organe, social, un génocide est un malheur humain. Et ce malheur humain reste à jamais gravé dans la chair de l’Humanité. Son envergure dépasse celle de la société qui le fait naître et c’est dans ce sens qu’il représente un cri que les hommes doivent entendre. Cela n’a rien de théorique. Chacun de nous peut jouer un rôle dans la reconnaissance d’un génocide car le combat est long et semé d’innombrables batailles juridiques et diplomatiques. Mais à la base, c’est toujours une poignée d’hommes qui n’accepte pas ce que toute la société consent. Ce sont rarement des experts d’un domaine mais ils éprouvent la nécessité d’agir car c’est l’unique moyen profond pour ne pas laisser mourir la mémoire d’un peuple. Si nous laissons faire la société sans protester alors nous participons nous aussi à un génocide, le génocide de la mémoire.

Dans l’Union Européenne des 25 qui abrite désormais la Hongrie qui est exemplaire envers ses minorités, nous ne pouvons accepter l’inacceptable. Tout ne peut pas être réduit à des considérations économiques. Si l’économie existe, c’est pour le bien être des hommes mais cela doit être réalisé sans bafouer les acquis communautaires, cette création qui résulte de l’esprit français, de la révolution et qui a pu être imposé à l’ensemble de l’Union Européenne. Les négociations n’ont de sens que si elles n’entrent pas en conflit avec notre éthique.

Le vingtième siècle nous a appris ce que signifie précisément l’expression destruction systématique dans le domaine humain. Cette connaissance doit désormais appartenir au patrimoine de l’Humanité non seulement au même titre que toute oeuvre mais surtout car elle appartient aux obstacles que nous avons pu dépasser. Seulement pour que des génocides appartiennent pleinement à ce passé humain, nous devons les reconnaître et les faire reconnaître, ceci représente une condition sine qua non à toute entreprise, à toute création ultérieure. La reconnaissance des génocides sera l’un des principes humains de ce nouveau siècle. C’est à cela que nous devons oeuvrer si nous voulons que l’Humanité survive.