8859 - Sur la simple connexité en topostratégie. (avec P. Gazzano).

P. Gazzano, N. Lygeros

Ainsi que nous l’avons montré dans un précédent article (cf. article 3494, Une vision topologique et isopérimétrique de l’Union Européenne.), l’adhésion de l’Autriche à mis en évidence un phénomène nouveau dans la topostratégie européenne, l’apparition d’une enclave constituée par la Suisse. Cette enclave représente un trou topologique dans la surface bidimensionnelle de l’Union Européenne. Ce phénomène s’est ensuite poursuivi avec l’adhésion des pays de l’Est au moment de l’adhésion des dix nouveaux états en 2004. Afin de respecter son isopérimétrie, dans un sens large bien évidemment, l’élargissement européen doit éviter la création d’enclaves qui ne remettent pas en cause la connexité. En effet, l’existence d’enclaves, en créant des frontières intérieures, augmente considérablement le périmètre de l’Union Européenne. L’Europe se doit donc d’être « simplement connexe ». La notion de simple connexité est une véritable notion mathématique, puisqu’en topologie, un ensemble connexe est simplement connexe si tout lacet est homotope à un lacet constant. En topostratégie, cela se traduit par l’absence d’enclaves dans un espace connexe. De ces considérations se dégagent alors les notions de frontières extérieures et frontières intérieures. L’Europe, consciente de l’enjeu stratégique représenté par la défense des frontières extérieures assurée par l’Agence Frontex ne doit pas pour autant négliger ses frontières intérieures. Il n’est ainsi pas fortuit que l’espace Schengen qui définit les conventions entre frontières ait été signé et appliqué par la Suisse. Et ce n’est pas non plus un hasard, s’il intéresse des enclaves comme le Vatican ou le Lichtenstein. Bien que ces frontières intérieures ne constituent pas une vraie menace, puisque les pays comme la Suisse ou l’ex-Yougoslavie adhéreront à terme à l’Europe, il en est tout autrement à l’échelle de la géostratégie. Et comme la stratégie ne s’arrête pas au cadre militaire, certaines ne sont pas moins une perte économique pour l’Europe avec leur rôle de paradis fiscaux, ou religieux avec le Vatican. Mais la présence de l’enclave naturelle de Kaliningrad permet à la Russie d’avoir une ouverture profonde dans l’Europe afin d’installer des missiles balistiques (cf. article 2881, Sur la nature stratégique de l’espace européen.) jouant un rôle stratégique dans les négociations. Dans un cadre défensif, la défense de la frontière intérieure est tout aussi importante, car l’ennemi ne vient pas nécessairement de l’extérieur. Cependant, l’unicité de la frontière crée un duopole dont le danger, pour le pays enclavé est d’être réduit à une relation binaire. Il est ainsi très important pour l’enclave d’avoir des relations avec l’extérieur, sous peine d’être enfermée dans le dogme du pays qui l’entoure. Sans dynamique, une enclave géographique risque de devenir une enclave temporelle. Une région qui semble stable sur le plan géographique, se transforme en une zone à entropie négative qui résiste aux pressions extérieures. L’emploi des parachutistes ou du pont aérien qui permet l’établissement de telles zones sans la nécessité de percer le front ennemi, illustre parfaitement cette tactique. Si la topologie montre la puissance de singularités, avec le théorème de Cauchy sur des chemins simplement connexes par exemple, la topostratégie permet de considérer les enclaves comme les singularités stratégiques d’un espace connexe.

Liste des enclaves actuelles en Europe n’appartenant pas à l’Union Européenne des 27 :
-Albanie
-Pays de l’ex Yougoslavie
-la Suisse
-l’Oblast de Kallingrad
-le Lichtenstein
-le Vatican
-les Principautés de l’Andorre, de Monaco et de San Marin
-Les îles Anglo-Normandes (avec la vision maritime)