821 - Sous les doigts de lumière

N. Lygeros

La rencontre ne dura qu’un instant. Pourtant cela avait été suffisant. Après tout, leurs vies n’étaient que des instants : grains de sable dans l’océan des dunes. Là-bas, les mains des corps ensevelis s’étaient élevées comme pour atteindre le bleu d’un ciel inaccessible. De ce chemin vers les cieux étaient nés les arbres de l’oasis secrète. L’homme à l’abri du soleil avait à peine esquissé un regard en direction de la jeune femme qui transportait un objet inconnu mais, elle l’avait reconnu. Même dans son habit d’ombre, nul ne pouvait manquer de le reconnaître. Il était la lumière du noir. Ils n’échangèrent pas un seul mot comme pour ne pas perturber le silence du désert. Le petit enfant avait été le témoin de la scène. Il était resté dans l’ombre pour mieux voir le soleil. Quant à l’homme assis contre le mur de la maison de terre, il était resté immobile. Il avait contemplé chaque geste comme s’il devait peindre cette rencontre par la suite. Le retour avait eu lieu sans que personne ne put dire comment. Il était là. Voilà ce qui était certain. Sous les doigts de lumière, le regard du sombre avait croisé la vie. Elle n’était pas encore partie mais il était déjà revenu. Nul autre que lui ne connaissait la nécessité du passé. Nul autre que lui ne connaissait le sens du futur. Dans l’instant du présent, une lueur du passé avait vu le jour et les ombres des palmiers avaient tremblé. La jeune femme n’avait aperçu que l’ombre de son regard. Elle était tranchante comme une lame d’acier. Seulement dans ce désert où la terre n’était que morceaux de sable et où seule la rose avait été taillée, personne ne comprit la dureté de l’ombre. Il faut dire qu’elle ne l’avait pas toujours été. C’étaient le temps de la lutte et la résistance à l’oppression qui l’avait rendue ainsi. Cela paraissait étrange. C’était pourtant la vérité. L’omniprésence de l’absence de la foule avait rendu les hommes nécessaires. Cependant leur rareté intriguait. Les autres ne savaient pas comment les considérer, alors ils tentaient de les éviter, sans savoir que la rareté était inévitable. En eux vivait l’oasis, autour d’eux c’était le désert, alors l’endroit de la rencontre ne lui sembla point étrange par la suite. Il avait fallu qu’elle traverse le temps pour reconnaître ses morceaux. Mais elle en était certaine, c’était bien lui qu’elle avait rencontré.