784 - De l’union européenne à l’Europe

N. Lygeros

Il est indéniable que depuis la création du concept européen, l’union européenne a subi une évolution considérable non seulement dans sa formation mais aussi dans sa propre nature. C’est pour cette raison qu’il est difficile de penser que même les visionnaires de l’époque de sa création auraient pu prévoir son état actuel. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons que nous pensons qu’il est aussi difficile de prévoir sa place future dans le monde même si nous possédons plus d’éléments d’analyse. En effet, l’union européenne ne suit pas simplement un système fédéral de type américain, ni une domination centrale de type soviétique, pas même une véritable structure de cercles concentriques. Sa structure est naturellement plus complexe car elle se construit sur un substrat polytopique et sur un socle multi-étatique. Elle ne représente donc pas une simple union de pays qui serait semblable à une concaténation conventionnelle mais plus à un assemblage structurel qui serait à l’image d’une mosaïque à la recherche d’un mortier réunifiant. Car s’il est vrai que la différence locale représente une richesse globale, il n’en est pas moins vrai que celle-ci ne peut se réaliser sans une cohésion générale. Or cette cohésion malgré des réussites certaines dans quelques domaines est difficile à établir en raison des différences historiques et culturelles. Cela ne veut pas dire pour autant que cela soit impossible. Néanmoins comme la nature profonde de l’entité européenne est basée sur la différence, il serait fallacieux que de dire qu’il n’existe pas de difficulté intrinsèque. Ainsi nous nous retrouvons dans le cadre de la mise en place d’un véritable mix stratégique dont le but doit être préalablement défini de manière méta-stratégique pour ne pas tomber dans les pièges des positions contradictoires qui sont parfois apparus tout au long de l’évolution de la nature européenne. Et il est vrai que la complexité des rapports internes est loin de faciliter la démonstration de l’existence d’une solution de type équilibre de Nash pour ne considérer qu’un modèle relativement simple de la théorie des jeux. Car même si nous pouvons généraliser celle-ci à une théorie des marchés, il n’est pas évident qu’elle soit applicable à l’union européenne sans faire intervenir des paramètres d’ordres historique, culturel et mental. Ainsi nous voyons via la procédure d’élargissement que plusieurs choix de modèles s’offrent à nous sans que nous puissions pour le moment savoir sinon quel est le meilleur du moins le moins pire. Autant dire que la nature de ce que nous nommerons par la suite simplement Europe est loin d’être définie par les données actuelles.