779 - Sur l’extension noétique du maître

N. Lygeros

Bien que la notion de maître soit ancestrale, elle demeure une incessante quête et redécouverte. Sensibles à son idée, les hommes restent méfiants en raison de sa puissance intellectuelle. Pourtant cette dernière comme la philosophie ne peut être que la réalisation d’une sérénité mentale qui provient de la conscience de l’incomplétude et de la nécessité de la réflexion. Le monde est complexe mais le maître aussi et leur relation est simple car celui-ci est complexe par nature. Il est donc un contenu mais aussi un contenant si nous considérons le monde comme son extension noétique. C’est sans doute ce point clef qui est difficile à cerner pour le disciple qui ne cesse de se battre contre les éléments. En effet le maître vit certes dans le monde mais il crée le suivant, aussi les éléments sont pour lui le matériau avec lequel il construit. Il n’y a donc pas d’opposition mais complétion. Sans les maîtres, le monde serait seulement ce qu’il est mais sans devenir. Sans le monde, les maîtres ne seraient pas. Et c’est en ce sens qu’ils sont le devenir de l’être, la téléologie de l’ontologie.

Il est alors naturel de s’interroger sur le rôle du disciple dans ce cadre conceptuel. Ce rôle est essentiellement de deux natures : individuel et altruiste. Le rôle individuel provient de la possibilité offerte par le maître. Celle-ci conçue comme un degré de liberté et d’indépendance peut aussi se transformer en développement individuel comme dans le cadre de la relation mentor-télémaque que nous avons déjà explicitée dans une précédente note. Le rôle altruiste est beaucoup plus complexe puisqu’il provient de la conscience d’appartenir à l’extension noétique et de la nécessité d’aider à son développement puisque cette fois le disciple représente un point clef de la structure. Cette fois encore une bifurcation est possible puisque ce rôle peut être de soutien à l’édifice mental ou encore une extension. Dans les deux cas, le rôle du disciple est fondamental puisqu’il correspond à une complétion partielle et une synergie active. L’oeuvre du maître n’est pas considérée comme un objectif d’étude et une fin en soi mais comme un moyen dynamique d’évoluer au sein de l’humanité et de son univers mental global. Ainsi l’extension noétique du maître est renforcée par celle du disciple qui comprend son rôle dans cet achèvement intellectuel que représente l’oeuvre commune. Sans être responsable de sa généricité il permet son universalité.