714 - La neige de l’oubli (27)

N. Lygeros
Traduit du Grec par A.-M. Bras

Il neigeait sur la mémoire du peuple et l’oubli était de plus en plus pesant. Après toutes ces années les têtes auraient dû se baisser pourtant celles qui n’avaient pas appris ce mouvement n’étaient pas encore mortes. Ils regardaient la mer et voyaient le ciel, ils regardaient l’enfer et voyaient la vie. Ils attendaient patiemment et résistaient à jamais parce qu’ils connaissaient la légende. Ils ne savaient pas s’il vivait ou non, cela n’avait pas d’importance. Son existence était suffisante. Cependant maintenant leurs lèvres souriaient de nouveau. Ils avaient appris les nouvelles. L’esprit du voleur avait touché les premiers villages. Bientôt ce serait leur tour de le voir de leurs propres yeux, de le toucher encore et de prendre les armes avec lui. Sur leur terre glacée ils entendaient ses pas. Son feu faisait fondre la neige de l’oubli. Et chacun ressentait la résistance de la patrie mais sans comprendre que l’heure de la mort était venue, l’heure du sacrifice. Cette heure que personne n’attend et qui arrive toujours. La légende regardait la terre blessée. Il prit une poignée de neige et la mit dans sa bouche. Sa mémoire mordit l’oubli et but les dialogues oubliés. Il voulut tous les morceaux du temps. Il s’empara de l’étrange poignée et avec l’épée brisée traça de nouveau leur symbole sur la sainte table de l’église abandonnée. La neige fondit et apparut la mémoire de pierre sous la toiture céleste. Les saints des murs prirent leurs armes et s’échappèrent de leurs chaînes de pierre. Il fallait encore mourir pour leur peuple et maintenant ils étaient prêts.