619 - Les trente baisers du soleil (1)

N. Lygeros
Traduit du Grec par l'auteur

J’ai senti sur mes paupières cette lumière tendre de l’aube et mes yeux ont pleuré. Ils se sont rappelés les caresses de la nuit et la pluie invisible. La lumière pleuvait sur nous et nous avons bu son silence. Nous n’avions rien dit seulement tes mains ont parlé et j’ai entendu pour la première fois la lumière de la nuit sur la blessure ouverte du jour. L’histoire de l’instant coulait sur moi et l’éternité s’arrêta. Tu étais si près que je t’ai perdue en moi et je t’ai retrouvée à nouveau dans mes bras. Le désir s’écoula dans la passion et j’ai touché la liberté de l’esclavage. Même lorsque j’ouvris mes yeux les liens de la nécessité ne se sont pas défaits. C’était le premier jour que je voyais après tant de nuits, c’était la première lueur dans les traces de l’ombre. Tout le feu était devenu lumière et je levai son poids. Je ne voulais pas que tu aies mal et je n’ai osé t’enlacer comme le fait la mer. Je ne voulais pas que la vague se brise sur ton corps comme la mort se brise sur la vie. J’ai bu mes larmes et avec elles ton image, ce regard profond comme l’océan. Je me suis enivré de ton bleu et j’ai enfoui mes doigts dans les vagues de tes cheveux. Là, dans la patrie des arômes, j’ai volé une poignée de vie pour mourir à nouveau pour toi. Je sais que j’ai tardé à venir auprès de toi cependant maintenant je tarderai tant que je vivrai. Chaque instant de ta vie est un morceau de ma mémoire. Je ne veux plus que tu souffres. Je serai ici pour boire tes larmes, je serai ici pour te donner les instants. Même les derniers ceux qui appartiennent seulement au temps je les volerai pour toi. Partage ta solitude avec moi, donne-moi ta croix et viens que je t’offre mes ailes. Elles sont faites pour les autres, elles sont faites pour les soleils. Personne ne peut te toucher comme moi, personne ne peut t’aimer comme moi car personne n’a vécu autant de fois pour toi, car personne n’est mort autant de fois pour toi. Tu es la passion qui unit l’instant à l’immortalité, la nécessité à la chance, l’homme à Dieu. Tu es les trente baisers du soleil.