60 - Sur les chiffres 3 et 4 dans H Θυσία του Αβραάμ et Ερωτόκριτος de Kornáros

N. Lygeros

Dans nos deux précédentes études (cf. [1] et [2]) nous avons démontré l’érudition de KOPNAPOΣ aussi bien au niveau intellectuel qu’au niveau scientifique. En particulier nous avons mis en évidence la possibilité que KOPNAPOΣ connaisse la théorie de Copernic en plus de la théorie de Harvey, et son utilisation extensive du chiffre 4 en tant que symbole totalisant (cf. [3]). De plus en étudiant en détail le fait qu’il ait connaisance de la théorie de Harvey sur la circulation du sang dans le corps humain, nous savons que son érudition est réelle puisque aussi bien l’original en prose PARIS ET VIENNE qui date de 1432 (imprimé pour la première fois en 1482) que la version d’Albani en vers qui date de 1626, sont antérieures à la publication du traité de Harvey en 1628 (cf. [4]). Donc les allusions dans EPΩTOKPITOΣ de KOPNAPOΣ à cette théorie sont effectivement de lui, et ne sont pas des traductions.

Ce constat à propos de Harvey que AΛEΞIOY (cf. [5]) ne mentionne pas, étrangement d’ailleurs, permet d’éliminer à lui seul l’hypothèse de l’identification de l’auteur de EPΩTOKPITOΣ avec le BITΣETZOΣ KOPNAPOΣ de la dixième génération de la famille vénitienne du même nom et qui est mort en 1613. Cet argument confirme aussi celui de ΣΠ . EYAΓΓEΛATOΣ (1976), qui a montré que l’auteur connaissait le version d’Albani (1626), qui excluait déjà cette hypothèse.

Dans notre précédent article (cf. [2]) nous avons remarqué l’abondance du chiffre 4 dans EPΩTOKPITOΣ , cette fois une lecture attentive de H ΘYΣIA TOY ABPAAM nous a permis de constater l’absence de toute occurence de ce chiffre dans cette oeuvre! Par contre, alors que le chiffre 3 était pour ainsi dire inexistant dans EPΩTOKPITOΣ, dans H ΘYΣIA TOY ABPAAM nous avons trouvé trois fois le chiffre 3 aux vers 23, 383 et 757, ainsi qu’une fois le chiffre 9 (multiple de 3) au vers 381. Ce résultat pour ainsi dire numérique, met en évidence une première différence entre les deux oeuvres de KOPNAPOΣ .

Mais ce n’est pas la seule! En effet dans EPΩTOKPITOΣ le nom de dieu était totalement absent, or que voyons-nous dans H ΘYΣIA TOY ABPAAM ? Son abondante présence : 77 occurences! Plus précisement : ΘEOΣ ,ΘEE apparaissent aux vers : 3, 8, 12, 13, 22, 61, 77, 91, 100, 163, 222, 228, 241, 255, 288, 372, 374, 392, 399, 402, 403, 405, 473, 563, 625, 647, 679, 683, 716, 722, 730,740, 749, 768, 830, 866, 876, 946, 958, 1004, 1021, 1042, 1111, 1115, 1124, 1135, 1141, 1144, 1147, 1156, 1157. KYPIOΣ apparait aux vers : 671, 675, 779, 823, 965, 1153 et AΦENTHΣ aux vers : 336, 659, 706, 851, 956, 1150. BAΣIΛEYΣ TΩN OYPANΩN aux vers : 609, 971, 1037 et ΠΛAΣTHΣ aux vers : 969, 983, 986. Quant aux appelations ΘEIKO, ΠANTOKPATOPAΣ , ΣΩTHPAΣ , AOPATE, ANAPXE et ΘION elles apparaissent une seule fois respectivement aux vers : 46, 815, 860, 875, 875, et 1069. Il est bien évident que le contexte épico-lyrique pour EPΩTOKPITOΣ et celui religieux pour H ΘYΣIA TOY ABPAAM expliquent en partie cette différence, mais pas cette dichotomie : absence totale et présence abondante.

En tout cas nous avons à faire d’une part à une oeuvre religieuse qui utilise un symbolisme populaire, et d’autre part à une oeuvre épico-lyrique, avec de nombreuses références scientifiques, dont l’érudition exploite un symbolisme globalisant. Quant aux chiffres KOPNAPOΣ le dit lui-même à plusieurs reprises dans EPΩTOKPITOΣ : “on passe sur trois et on s’arrête à quatre”. Il serait donc intéressant de savoir si ces oppositions factuelles dans ces oeuvres ne reflettent pas, tout simplement, l’évolution de la pensée chez KOPNAPOΣ .

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] N.LYGEROS : Sur les connaissances scientifiques dans EPΩTOKPITOΣ , O ΛYXNOΣ , no 62, janvier 1995

[2] N.LYGEROS : Sur la présence du chiffre 4 dans EPΩTOKPITOΣ , O ΛYXNOΣ , no 67, avril 1996

[3] J.CHEVALIER et A.GHEERBRANT : Dictionnaire des symboles, édition revue et corrigée de 1991

[4] W.HARVEY : Exercitation anatemica de motu cardis et sanguinis in animalibus, 1628

[5] B.KOPNAPOΣ : EPΩTOKPITOΣ , édition critique de ΣT. AΛEΞIOY, EPMHΣ 1980.