5725 - Sur la nature de la domination

Ν. Lygeros

« Les Dieux, comme les hommes, sont mus par une loi de nature (pour les premiers, c’est une opinion, pour les seconds, une certitude), qui pousse les plus forts à dominer. Nous n’avons pas établi cette loi ni ne l’avons appliquée les premiers. Elle existait bien avant nous et continuera toujours d’exister après nous. C’est simplement notre tour de l’appliquer, sachant bien que nous, ou tout autre disposant de notre puissance, en ferait de même. »
                                                                                                                                Thucydide

En étudiant attentivement cette citation de Thucydide, il semble au premier abord que nous y observons un phénomène inéluctable. Comme s’il s’agissait d’une marque d’impuissance de notre part. Il y a dans cette continuité, le caractère inexorable d’un choix qui n’a pas été fait. La recherche de la domination est représentée comme un but diachronique indépendant de la volonté de la force éphémère. La domination représente donc un attracteur pour le système dynamique en considération. Pour nous, il ne s’agit pas de remettre en cause cette constante universelle. Ce serait tout aussi futile que de pinailler sur la seconde loi thermodynamique. Non, ce que nous désirons, c’est mettre en évidence que ce point d’équilibre, ne signifie pas pour autant qu’il n’existe rien hors équilibre. Il nous suffit de repenser aux travaux de Prigogine, au modèle de Sidis et à l’existence des théorèmes de Ramsey pour réaliser que la fin n’est pas un but en soi.

Il en est de même de la mort. Son existence est une certitude et nul ne la remet en cause. C’est même cette prise de conscience qui nous permet de réaliser le sens de la vie et son caractère remarquable. Cependant cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a rien à faire. Au contraire, l’espace limité dans le temps nous force à étudier l’essence car le reste n’est que le remplissage d’un vide factuel. Il en est de même pour la domination. Elle existe mais elle ne mentionne pas quels sont les moyens. À l’instar de la mort qui ne remet pas en cause l’évolution mais qui au contraire lui sert de cadre, la domination sert de cadre à la stratégie. La stratégie n’est pas inconsciente. Par contre, elle est l’outil par excellence du dominé face au dominant. Car si la domination est une constante universelle, il n’en est pas de même pour le dominant. Il n’est pas nécessaire de considérer le principe de Cooper pour réaliser cela. Aussi la citation de Thucydide, une fois analysée au second degré, permet de définir un échiquier qui une fois activé met en place une partie dont l’aboutissement est certain mais sans pour autant définir l’aboutissement de chacun. Aussi dans ce cadre, il existe une liberté de penser et d’agir où l’intelligence et la stratégie ont leur mot à dire afin de changer le cours de l’histoire et créer un avenir à partir de l’impensable devenu utopie puis réalité.