454 - Une introduction raisonnée aux réseaux aléatoires complexes

N. Lygeros

Par nature, un réseau aléatoire complexe résiste à toute vision simple. L’importance de sa taille représente une première difficulté pour l’appréhender même si l’exemple de la théorie des groupes et en particulier celle des sporadiques nous a montré que cette difficulté n’est pas génériquement insurmontable. Une deuxième difficulté, plus sérieuse que la première, provient de son caractère aléatoire. Jusqu’à une date récente les réseaux de ce type étaient traités grâce au modèle d’Erdös-Rényi qui appartient à la théorie classique des réseaux aléatoires. L’idée de base de ce modèle, c’est que deux sommets du réseau aléatoire sont reliés entre eux par une arête avec une probabilité p. Cependant cette idée a tendance à produire des réseaux homogènes dont la plupart des sommets ont le même degré. De manière encore plus explicite la connectivité du réseau aléatoire suit une loi de Poisson ce qui implique que la probabilité de trouver un sommet de haut degré décroit de manière exponentielle. Or les réseaux du monde réel comme le web, l’internet, la collaboration des auteurs, l’index des citations, etc. dévient très fortement de ce modèle aléatoire. Aussi la véritable difficulté c’est la complexité intrinsèque du réseau. Car comment appréhender les caractéristiques topologiques de celui-ci ?
Tout d’abord, il s’agit de comprendre la structure fondamentale des réseaux aléatoires complexes. Car même si les réseaux réels semblent effectivement être du type invariant d’échelle et que cela implique une loi-puissance de la probabilité de trouver un sommet de haut degré, une véritable classification est nécessaire afin de distinguer les index topologiques qui discriminent les aspects non universels des réseaux. Car dans cette phase où les recherches empiriques sont encore largement dominantes, les questions théoriques ont des répercussions sur des questions très concrêtes comme la robustesse du réseau. Le problème c’est que cela dépend non pas globalement du réseau mais de la configuration précise de celui-ci. Donc il ne s’agit pas d’étudier simplement la topologie générale du réseau mais sa véritable nature géométrique.

Les premiers résultats numériques obtenus sur des réseaux réels tendent à montrer l’existence de deux grandes classes grâce à un rapprochement effectué via la sociologie et une quantité statique nommée BC qui permet de mesurer combien une personne donnée est influente dans la société. Goh et al ont montré expérimentalement que l’exposant de BC est environ égal à 2,2 pour la classe I et 2,0 pour la classe II. Ils conjecturent d’ailleurs que pour cette dernière classe l’exposant est exactement égal à 2. Grâce à l’introduction de la relation masse-distance, ils ont montré que la classe I avait une bosse en raison de regroupements compacts et localisés dans les réseaux tandis que la classe I était grossièrement linéaire et que les réseaux qui lui étaient associés étaient plus ou moins des sortes d’arbres.

Au vu de ces premiers résultats expérimentaux, il est non seulement naturel d’envisager une théorie structurelle des réseaux aléatoires complexes mais aussi de voir l’ensemble de ce cadre à travers une mentalité fractale qui correspond pour ainsi dire intrinsèquement à cette problématique de classification de super-structures qui sont invariantes d’échelle. De plus, il est à soupçonner que les répercussions dans le domaine du vivant seront importantes puisque les séquences explicites permettent d’obtenir ce type de réseaux. Aussi nous n’en sommes qu’au début d’une nouvelle voie dans la compréhension de phénomènes complexes qui étaient jusqu’à récemment totalement inaccessibles.