3291 - Sommeil paradoxal

N. Lygeros
Traduit du Grec par A.-M. Bras

Dans un vieux café. Une rencontre avec le futur.

Ange boit un café grec. À ce moment entre un inconnu.   

    Michel : Il montre une chaise. Je peux ? 

    Ange : Aucun problème. L’inconnu prend la chaise. Je suis seul. L’inconnu montre la chaise.

    Michel : Votre amie ne va pas venir ?

    Ange : Mon amie ? Comment savez-vous que j’ai une amie ?

    Michel : Votre gorge… Ange touche le cadeau d’Agathe et sourit

    Ange : Vous êtes observateur.

    Michel : Je fais attention aux détails qui ont de l’importance.

    Ange: Asseyez vous… Que prendrez vous ?

    Michel : La même chose s’il est sucré.

    Ange : Un autre, s’il vous plait.

    Michel : Vous êtes musicien.

    Ange : Pianiste.

    Michel : Vous préparez une sonate ?

    Ange : Vous êtes incroyable!

    Michel : Vos doigts sont incroyables.

    Ange : Merci. Un temps.  Je travaille La sonate grecque.

    Michel : Un morceau rare de Mitropoulos.

    Ange : C’est pour cela que je veux le faire connaître.

    Michel : Vous avez raison. Un temps. Mais il est beau aussi.

    Ange : J’espère que je ne l’abîmerai pas.

    Michel : Il n’y a pas de raison. On lui apporte le café. Merci. À votre santé.

    Ange: À la vôtre ! Et à nos rêves.

    Michel : Quels rêves ?

    Ange : Vous ne rêvez pas ?

    Michel : Ca n’est pas possible.

    Ange : Je ne comprends pas.

    Michel : Le futur existe déjà. Tandis que nos rêves…

    Ange : N’est-ce pas notre liberté ?

    Michel : C’est notre sommeil. Et certains doivent…

    Ange : Mais, pourquoi ?

    Michel : Pour que vive le futur.

    Ange : Autrement ?

    Michel : La suprématie du présent ne s’arrêtera pas.

    Ange : La suprématie… Je n’y ai jamais pensé de cette manière.

    Michel : Le présent craint aussi le passé.

    Ange : La mémoire blesse.

    Michel : La mémoire est le morceau d’humanité que nous portons en nous.

    Ange : L’humanité est plus dangereuse encore.

    Michel : Parce qu’elle voit le futur même dans le passé.

    Ange : Le temps est si différent ?

    Michel : Nous sommes des morceaux de temps qui ne sont pas brisés.

    Ange : Mais alors l’oubli…

    Michel : Il n’y a pas de partout ni de toujours.

    Ange : Et au piano, la mémoire existe aussi.

    Michel : Spécialement dans votre sonate.

    Ange : Chaque fois que je la joue, naît un monde entier.

    Michel : La prochaine fois il ne mourra pas.

    Ange : Comment est-ce possible ?

    Michel : Je vous écouterai…