329 - Sur la nature diachronique des expressions artistiques

N. Lygeros

C’est à l’occasion d’un opéra comique que nous nous sommmes interrogés sur la nature diachronique des expressions artistiques. Celui-ci au demeurant populaire n’en était pas moins dépourvu de contenu sémantique créant ainsi une rupture entre le fond et la forme. Aussi le public n’était sensible qu’à la forme de cette expression. Comme s’il éprouvait une certaine nostalgie d’un temps révolu, d’un passé caractérisé par cette forme. Alors comment ne pas faire un rapprochement avec la remarque d’un ami sur notre choix sur les forme artistiques qui lui semblait hors de propos dans la société contemporaine ? Il est vrai que des expressions poétiques ( vers métrique, vers rimé, épigramme ) et théâtrales ( drames et tragédie) semblent obsolètes dans la société francaise actuelle qui ne retrouve un engouement populaire qu’a travers la chanson, la comédie musicale, la comédie et le cinéma dans le sens large du terme. Il est vrai que la mise en musique des textes d’Aragon ou l’utilisation camusienne ou sartrienne du théatre n’est plus au goût du jour, si par cette expression nous entendons le choix de la majorité du public. Un substrat intellectuel puissant pour créer une oeuvre artistique n’est de nos jours guère à la mode. De la même manière que l’engagement semble quelque peu incongru dans ce domaine. Comme si la majorité avait réduit la rôle de l’art au divertissement. Comme si la création n’avait d’autre but avouable que la récréation. Dans ce cadre la création d’un oratorio ou encore d’un opéra seria ne peut-être considéré que comme un anachronisme, une utilisation décadente d’une forme artistique désuette. Et même pour les esprits les plus ouverts à ce type de création, il est difficile de ne pas la voir en contre-point par rapport à la ligne mélodique sociale. Car la vision synchronique de la réalité est si forte qu’il est pour ainsi dire impossible de s’en dégager et ce même pour des créateurs. Ces derniers éprouvent par nécessité le besoin de créer pour la majorité qui ne représente dans leurs esprits qu’un euphémisme du terme masse. Cependant à quelle époque de l’histoire de l’art, la masse eut-elle son mot à dire sur son expression ? N’est-ce pas plutôt la nature de la démocratie de masse qui ne voit dans les hommes que des consommateurs d’une duréee perissables par définition. Et même si c’est exact que tous les hommes ont besoin de manger pour vivre, faut-il pour autant oublier ceux qui ont besoin de rêver pour penser. Il ne s’agit pas pour nous de faire l’éloge de l’art pour l’art ou de défendre une politique nécessairement élitiste mais de mettre en avant le péril social que représente dans le domaine de la création le phénomène de mode conçu pour la majorité. Car la mode à l’encontre de l’art, est faite pour être dépassée. Elle n’a de sens que dans le changement. Et pour les créateurs ce qui est à la mode n’a pas d’interêt, ce qu’il désirent c’est ce qui sera à la mode. Ils vivent en permanence dans un présent décalé, tandis que l’art s’il represente réellement une recherche, il ne vit que dans le futur, même si par cela il tire sa source du passé. Pour l’art, le présent n’existe pas. Il est ontologiquement diachronique ! Aussi ne nous contentons pas de juger la forme car elle n’a de sens en art que via son adéquation avec le fond, la seule entité qui puisse lui donner sa profondeur temporelle.